Des Vénézuéliens rapatriés dénoncent « les abus et la torture » dans la méga-prison CECOT au Salvador

Caracas a ouvert une enquête sur le président Nayib Bukele et deux hauts responsables salvadoriens pour de présumées violations des droits humains à l’encontre des migrants vénézuéliens.
Les récits de 252 migrants vénézuéliens détenus à CECOT au Salvador détaillent les passages à tabac, les abus sexuels, la privation de soins médicaux et des pressions pour tromper les observateurs. Expulsés des États-Unis sur la base d’allégations de gangs jugées sans fondement, leurs récits ont entraîné des appels à enquêtes de la CPI et de l’ONU sur le gouvernement Bukele.

Caracas – Des Vénézuéliens expulsés de force des États-Unis et détenus dans la tristement célèbre prison CECOT du Salvador accusent les autorités salvadoriennes de torture systématique, de passages à tabac, d’abus sexuels et de négligence médicale.

Le 21 juillet, lors d’une conférence de presse, le procureur général vénézuélien, Tarek William Saab, a présenté les témoignages de plusieurs hommes décrivant les sévices infligés dans l’établissement. 

Dans une première vidéo diffusée le 21 juillet, plusieurs migrants de retour relatent leurs expériences quotidiennes de mauvais traitements et de torture pendant leur détention à CECOT. L’un d’eux, resté, raconte comment les agents pénitentiaires les battaient fréquemment pour avoir simplement « pris une douche, parlé ou demandé de l’eau ».

Les ressortissants vénézuéliens rapportent aussi avoir été maltraités en présence du personnel médical et contraints de mentir aux observateurs de la Croix-Rouge. « Ils m’ont forcé à dire que j’étais tombé d’un lit superposé », témoigne un autre homme dans la vidéo, à propos d’une blessure au front.

Dans une autre vidéo, Maiker Espinoza Escalona, 25 ans, décrit CECOT comme étant un lieu « indigne d’accueillir des êtres humains », saturée d’une puanteur d’excréments qui rendait les détenus malades, et marquée par une « torture abrupte et inhumaine ».

Arrivé au Texas en mai 2024 avec sa compagne Yorely Bernal Inciarte et leur fillette Maikelys, Espinoza s’est livré aux services d’immigration. Le couple a passé des mois dans des centres de détention séparés pendant que Maikelys était placé dans des familles d’accueil américaines.

Suspectés à tort d’appartenir à un gang à cause de tatouages, ils ont été transférés en mars, avec 251 hommes et sept femmes, dans la prison de haute sécurité salvadorienne. Maikelys, âgée de deux ans, est restée aux États‑Unis jusqu’à son rapatriement au Venezuela en mai, où elle a été réunie avec sa mère grâce aux efforts du gouvernement Maduro. Samedi, Maiker a enfin retrouvé sa compagne et sa fille une fois de plus.

Ils font partie des 252 migrants vénézuéliens qui ont été rapatriés le 18 juillet en échange de 10 ressortissants américains et d’environ 80 Vénézuéliens détenues dans ce pays des Caraïbes dans le cadre d’une négociation entre les gouvernements de Nicolás Maduro et Donald Trump. Les hommes ont été détenus en vertu d’un accord entre Washington et San Salvador, à raison de 20 000 dollars par détenu et par an, tandis que les sept femmes ont été renvoyées aux États-Unis, puis expulsées vers le Venezuela.

Les hommes migrants étaient détenus à CECOT depuis mars, après avoir été expulsés de force des États-Unis en vertu de la loi de 1798 sur les ennemis étrangers, sur la base d’allégations d’appartenance au soi-disant gang Tren de Aragua. Toutefois, ils n’ont jamais été formellement inculpés.

Des enquêtes ultérieures et des rapports des services de renseignement ont contredit les affirmations de l’administration Trump, révélant que la plupart de ces hommes n’avaient aucun casier judiciaire. Les autorités ont établi le profil des migrants sur la base de tatouages et de publications sur les réseaux sociaux.

Bien qu’ils se soient rendus au Salvador et aient demandé à rencontrer les autorités judiciaires du pays, leurs familles et leurs avocats sont restés sans nouvelles jusqu’à leur libération la semaine dernière.

Une troisième vidéo, présentée lundi, montre le maquilleur et acteur Andry José Hernández Romero dénonçant « des agressions physiques et psychologiques » ainsi que des violences sexuelles commises par les gardiens de CECOT. 

« Nous pensions être laissés pour morts, que nous ne reverrions plus jamais nos proches », a déclaré le jeune homme.

Hernández est arrivé au poste-frontière de San Ysidro en août 2024 pour un rendez-vous d’asile. Il a été placé en détention par les États-Unis, puis envoyé au Salvador en raison d’un tatouage au poignet représentant une couronne liée à la Fondation des Rois mages, une organisation culturelle vénézuélienne où il se produisait. Les Rois Mages sont une célébration religieuse et culturelle observée depuis plus de 100 ans dans la ville natale du maquilleur de Capacho Nuevo, dans l’État de Táchira.

Les proches d’Hernández au Venezuela ont déclaré avoir perdu contact avec lui le 14 mars, lorsqu’il leur a annoncé qu’il était expulsé vers le Venezuela. Comme les autres déportés, il ignorait qu’il était en réalité envoyé à CECOT.

Dans une quatrième vidéo de témoignage, plusieurs hommes dénoncent avoir été privés de nourriture et d’eau, empêchés de passer un appel téléphonique, placés à l’isolement et battus jusqu’à perdre conscience. 

Eude José Torres Herrera affirme avoir été frappé au visage, ce qui lui a disloqué la mâchoire. Rodolfo Mayor raconte qu’une de ses molaires a été arraché avec des pinces, et qu’il a été battu puis touché à la poitrine avec un pistolet à plomb. « Ils m’ont tellement battu que j’ai uriné du sang pendant une semaine et me suis fracturé une côte », raconte Mayor.

Les autorités vénézuéliennes ont annoncé l’ouverture d’une enquête visant le président du Salvador, Nayib Bukele, le ministre de la Justice Gustavo Villatoro et le directeur des prisons Osiris Luna Meza, pour des violations des droits humains commises contre les 252 migrants vénézuéliens.

Lors de la conférence de presse du 21 juillet, le procureur général a exhorté la Cour pénale internationale (CPI), le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et d’autres organisations internationales à enquêter à leur tour sur les « auteurs intellectuels et matériels » des abus signalés.

La méga-prison CECOT, ouverte début 2023, a été construite pour détenir des membres présumés de gangs dans le cadre de la répression menée par Bukele. Son administration a été largement critiquée pour ses atteintes à la procédure régulière et les conditions inhumaines de détention.

Édité par Cira Pascual Marquina, à Caracas.

Photo : 252 hommes ont récemment été libérés de CECOT à la suite d’une négociation fructueuse menée par le gouvernement Maduro. (Venezuelanalysis via Getty Images)

Available in
EnglishSpanishPortuguese (Brazil)GermanFrenchItalian (Standard)
Author
Andreína Chávez Alava
Translator
Open Language Initiative
Date
05.09.2025
Source
VenezuelanalysisOriginal article🔗
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