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“Ensemble, nous sommes plus fortes” - Travailleuses migrantes indonésiennes

Kabar Bumi, une organisation pour et par les travailleur.euse.s migrant.e.s et leurs familles, est au premier plan de la lutte des femmes migrantes en Indonésie.
Abusé.e.s, exploité.e.s, trompé.e.s et négligé.e.s, voilà comment les travailleur.euse.s migrant.e.s en Indonésie sont traité.e.s par leurs employeur.euse.s et les agences de recrutement qui confisquent leurs documents pour les contraindre à leur payer les frais de placement.

Dans une communauté de Cilacap, au centre de Java, en Indonésie, de nombreuses femmes ont été victimes de la confiscation de leurs documents par des agences de recrutement. Cilacap serait l'une des principales zones d'origine des travailleuses migrantes du centre de Java, en Indonésie.

En 2020, une recherche participative féministe (FPAR) menée par Kabar Bumi, une organisation de travailleur.euse.s migrant.e.s et de leurs familles, a démontré que cette pratique a gravement affecté les travailleuses migrantes de retour en Indonésie.

Selon cette recherche, "Sans ces documents, 85 pour cent des personnes interrogées ont rencontré des difficultés dans  leur vie, par exemple elles n’ont pas pu prétendre aux programmes d'aide et de protection sociale du gouvernement, s'inscrire à des programmes d’études ou demander des certificats fonciers".

Les membres de Kabar Bumi accueillent les invité.e.s avec une performance. (Photo par Anne Marxze Umil/Bulatlat)

Le passeport, l'acte de naissance, l'acte de mariage, la carte d'identité, le livret de famille et le diplôme font partie des documents qui servent de garantie ou de caution de dette pour les agences de recrutement. Les travailleur.euse.s migrant.e.s sont contraint.e.s de remettre à l’agence ces documents jusqu'à ce qu'il.elle.s l’aient payée par des retenues sur salaire. D'après l'étude, la confiscation des documents est un phénomène très répandu parmi les travailleur.euse.s domestiques migrant.e.s d'Indonésie.

L'étude a révélé qu'environ neuf millions d'Indonésien.ne.s travaillent à l'étranger. Au moins 65 pour cent sont des femmes et la majorité d'entre elles sont employées comme travailleuses domestiques.

Kabar Bumi est en première ligne dans  la lutte des femmes migrantes en Indonésie. Elle a également lancé un appel à la clémence pour la travailleuse migrante philippine Mary Jane Veloso, détenue depuis 13 ans, après que le président indonésien Joko Widodo lui a accordé un sursis temporaire.

La situation des travailleur.euse.s migrant.e.s indonésien.ne.s n'est pas très éloignée de celle des Philippin.ne.s. Faute de travail et de salaires décents, de nombreux.ses Indonésien.ne.s sont obligé.e.s de chercher du travail à l'étranger.

Les partenaires du programme de recherche participative féministe (FPAR) sur la migration du Forum Asie-Pacifique sur les femmes, le droit et le développement (APWLD), venant de six pays, se sont rendu.e.s dans cette communauté le 26 février dernier pour écouter les histoires de femmes migrantes.

Elin Anita Awaliyah, 35 ans, a fait part de son combat contre une agence de recrutement qui n'a pas restitué ses documents lorsque, en 2019, elle a été licenciée par son employeur après seulement un mois passé à Hong Kong.

Awaliyah, victime de violences domestiques, a déclaré qu'on lui avait demandé de payer 15 millions de roupies indonésiennes (976 dollars) comme pénalité pour ne pas avoir terminé son contrat. Mais Awaliyah n'avait pas l'argent pour payer la pénalité, c'est alors qu'elle a demandé l'aide de Kabar Bumi, qu'elle avait connu par l'intermédiaire de sa belle-sœur.

Kabar Bumi l'a aidée dans cette affaire. En fin de compte, Awaliyah a pu récupérer ses documents, étant en plus dispensée de la pénalité.

Mais ça n’a pas été une promenade de santé.

Iwenk Karsiwen, présidente de Kabar Bumi, a déclaré qu'il.elle.s avaient demandé au gouvernement d'agir contre les agences qui confisquent les documents officiels des travailleurs migrants.

"Le gouvernement ne fera rien si nous ne sommes pas vigilants et si nous ne les poussons pas à faire ce qu'il faut. Il agit souvent en faveur des agences", a-t-elle déclaré lors de l'échange communautaire.

"Nous ne confions pas nos espoirs au gouvernement. Nous nous battons seul.e.s ", a ajouté Mme Karsiwen.

La recherche a également révélé que même si les travailleuses migrantes "déposent leurs plaintes auprès des autorités, le mécanisme de réparation n'est mis en œuvre que par lla médiation d’un.e intermédiaire”.

Les membres de Kabar Bumi partageant leurs expériences avec les partenaires d'APWLD. (Photo par Anne Marxze Umil/Bulatlat)

"Les cas ont été réglés après que les agences et les employeur.euse.s ont renvoyé les documents, sans devoir pour autant dédommager les travailleur.euse.s et sans avoir  à subir de conséquences juridiques. Par conséquent, ces cas continuent de se produire en raison de l'absence de conséquences pour les auteur.ice.s", conclut l'étude.

Selon Retno Dewi, secrétaire générale de Kabar Bumi, la confiscation de documents par les employeur.euse.s ou les agences dans tous les secteurs en Indonésie est un problème courant. Mais  c’est pire pour les travailleur.euse.s migrant.e.s, dit-elle, car lorsque l'agence ferme,celles-ci ne récupèrent pas leurs documents.

"Il est difficile d'en obtenir à nouveau une copie. Il faut aller au tribunal pour prouver que l'on a perdu son document", a-t-elle déclaré lors d'une interview accordée à Bulatlat.

Dewi a, elle aussi, été une travailleuse migrante, d'abord à Singapour lorsqu'elle était encore mineure, puis à Hong Kong.

Renforcer les femmes indonésiennes

D'après le FPAR, la majorité des travailleur.euses.s migrant.e.s et de leurs familles ne savent pas que la confiscation des documents officiels est illégale et qu'elle viole leurs droits.

"La plupart d'entre elles pensent que cela fait partie des exigences du processus de recrutement. En outre, les travailleur.euse.s migrant.e.s font appel à des agences de recrutement pour travailler à l'étranger. Il.elle.s n'ont pas d'autre choix que de remettre leurs documents, même s'il.elle.s sont réticents à le faire", peut-on lire dans l'étude.

Kabar Bumi a donc organisé une série d'ateliers de formation et d'éducation pour aider à renforcer les capacités des femmes de la communauté à traiter les cas liés à la confiscation de documents. Le groupe a également apporté son aide dans des affaires de traite des êtres humains, de surménage, d'accès à la vaccination et de falsification de données par des agences de recrutement.

Il continue également à fournir des services de soutien et de consultation aux travailleur.euse.s migrant.e.s et aux personnes rapatriées qui ont été victimes de violence et d'exploitation.

"Au cours du FPAR, Kabar Bumi a aidé 22 travailleur.euse.s migrant.e.s rapatrié.e.s à déposer une plainte officielle auprès des autorités concernant la confiscation de leurs documents. Au moins six cas ont également été réglés, dans lesquels les travailleuses migrantes ont pu récupérer leurs documents auprès des agences.

"Grâce au FPAR, Kabar Bumi a réussi à augmenter le nombre de membres de l'organisation et à mobiliser le mouvement contre la confiscation des documents d'identité et les documents légaux", peut-on lire dans l'étude.

Le groupe a également pu élargir son réseau avec des organisations de migrant.e.s en Indonésie et dans les pays de destination afin de "renforcer la solidarité pour les droits des migrant.e.s".

À la question de savoir ce qui les motive à continuer, une travailleuse migrante a répondu : "Nous faisons face au même problème. Nous ne voulons pas que les femmes se retrouvent dans cette situation. Nous devons nous soutenir mutuellement  parce qu'ensemble, nous sommes plus fortes".

Available in
EnglishFrench
Author
Anne Marxze D. Umil
Translators
Eftyhia Panagiotopoulou and Lea Ciccarone Fontaine
Date
27.04.2023
Source
BulatlatOriginal article🔗
TravailDroits des femmes
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