Environment

Un chaos Total

Total est en train de créer un désastre social et économique au Mozambique, en utilisant les mêmes méthodes qu'au Myanmar et au Yémen auparavant : extraire des ressources et réduire les communautés au silence.
Depuis que la multinationale pétrolière et gazière TOTAL s’est implantée au Mozambique, elle n'a apporté que désastre et souffrance. Dans la province de Cabo Delgado, où elle dirige le projet offshore de gaz naturel liquide (GNL) du Mozambique, d'une valeur de 24 milliards de dollars, elle a détruit de manière irréversible la vie des gens, avant même d'avoir extrait une seule goutte de gaz. En février, Total s'est vantée d'avoir réalisé un bénéfice annuel de 15 milliards de dollars en 2021. Cet argent, qui permettra aux actionnaires d'acheter les huîtres les plus fraîches et le meilleur champagne français dans les restaurants les plus chers de Paris, a été gagné sur le dos des corps et des vies humaines, principalement dans le Sud, et au détriment des économies des pays en développement.
Depuis que la multinationale pétrolière et gazière TOTAL s’est implantée au Mozambique, elle n'a apporté que désastre et souffrance. Dans la province de Cabo Delgado, où elle dirige le projet offshore de gaz naturel liquide (GNL) du Mozambique, d'une valeur de 24 milliards de dollars, elle a détruit de manière irréversible la vie des gens, avant même d'avoir extrait une seule goutte de gaz. En février, Total s'est vantée d'avoir réalisé un bénéfice annuel de 15 milliards de dollars en 2021. Cet argent, qui permettra aux actionnaires d'acheter les huîtres les plus fraîches et le meilleur champagne français dans les restaurants les plus chers de Paris, a été gagné sur le dos des corps et des vies humaines, principalement dans le Sud, et au détriment des économies des pays en développement.

TOTAL est l'un des principaux acteurs de l'industrie gazière du Mozambique. Pour se préparer à l'extraction future du gaz, il y construit le parc GNL terrestre d'Afungi, qui abrite l'aérodrome, les usines de traitement, le port, les bureaux et autres installations de soutien pour de nombreux projets et fournisseurs. Afin de libérer une surface de 70 km², la société a déplacé plus de 550 familles des communautés environnantes. Les communautés de pêcheur·euse·s qui vivaient à quelques mètres de l'océan depuis des générations ont été déplacées vers un « village de relogement » situé à plus de 10 km à l'intérieur des terres, sans aucun moyen d'accéder à la mer. Les agriculteur·ice·s, qui ont perdu leurs terres, se sont vu·e·s attribuer de petits lopins de terre inadaptés, loin des maisons de relogement qui leur ont été attribuées. Ces communautés ont perdu leurs moyens de subsistance et se sont retrouvées démunies.

L’impact du projet sur le climat et l'environnement sera ront irréversiblement dévastateur : l'extraction du gaz entraînera l'élimination de plusieurs espèces de poissons, de flore et de faune menacées de l'archipel des Quirimbas, une biosphère classée à l'UNESCO, au large de Cabo Delgado. Les émissions de méthane liées à la construction d'un seul train de GNL augmenteront jusqu'à 14 pour cent les émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble du pays.

Depuis 2017, les communautés de Cabo Delgado sont confrontées à d'horribles violences, d'abord de la part des insurgé·e·s, puis de l'armée mozambicaine. TOTAL était bien consciente du problème lorsqu'elle a repris le projet en 2019, soit plus de deux ans après que les premières violences aient été signalées. À la suite d'une attaque majeure des insurgé·e·s contre le village de Palma, le grand village le plus proche du parc d'Afungi, en mars 2021, TOTAL a décidé d'abandonner la zone et les processus en cours avec les communautés, invoquant la « force majeure » (c'est-à-dire qu'en raison de l'insurrection, elle ne pouvait pas remplir son obligation commerciale) et retirant son personnel de la zone, mettant le projet en pause indéfiniment. Au cours de cette attaque, il était clair que l'armée mozambicaine ne s'intéressait qu'à la protection des actifs de TOTAL ; 800 soldat·e·s défendaient le parc d'Afungi, tandis qu'une poignée seulement protégeait Palma et les civil·e·s. Après son départ, TOTAL a complètement cessé de verser des indemnités aux membres de la communauté et n'a pas rempli ses obligations de paiement envers les fournisseurs, y compris les petites entreprises mozambicaines.

L'industrie gazière est au cœur de ce violent conflit entre les insurgés, les forces armées du Mozambique, de l'Afrique du Sud et du Rwanda, et les mercenaires. Jusqu'à présent, cela a provoqué le déplacement de 800 000 personnes, dont beaucoup se trouvent maintenant dans des camps de réfugié·e·s dans la province voisine de Nampula. Alors que TOTAL et les autres acteurs du secteur, ainsi que le gouvernement mozambicain, ont immédiatement qualifié les attaquants de « djihadistes » ou d'ISIS, la réalité est bien plus complexe. On avait promis des emplois aux populations locales, mais elles n'ont reçu que des emplois temporaires, subalternes et non qualifiés, tout en regardant TOTAL et les élites gouvernementales piller leurs terres. Cette augmentation de la pauvreté, de la marginalisation et de l'oppression a entraîné des tensions sociales qui alimentent le conflit. Les populations locales ont rapporté des situations où les militaires mozambicains, qui avaient été déployés pour les protéger contre les insurgés, extorquaient aux populations leurs indemnités, retenant parfois les bénéficiaires en otage, ou menaçant leurs familles de violences (y compris d'agressions sexuelles). Bien que consciente des agissements de l'armée, TOTAL a demandé au gouvernement de déployer davantage de troupes mozambicaines pour protéger ses biens. Le gouvernement a également fait appel à une société de sécurité privée sud-africaine, Dyck Advisory Group (DAG), pour combattre les insurgés. Cependant, la population locale a signalé que les hélicoptères de DAG tiraient sans discernement sur les infrastructures civiles. En toute discrétion, le contrat de la société n'a pas été renouvelé.

Déployée en juillet 2021, l'armée rwandaise est connue pour les horribles tortures qu'elle inflige aux dissident·e·s congolais·e·s et rwandais·e·s dans les centres de détention militaires. Bien que TOTAL insiste sur le fait qu'elle n'a rien à voir avec la présence de l'armée rwandaise au Mozambique, la société a des antécédents en matière d'exploitation des bassins versants.

Au Myanmar, TOTAL fournissait à la junte militaire oppressive la majorité de ses revenus grâce au projet gazier de Yadana. La junte militaire est connue pour avoir procédé à un nettoyage ethnique de la population Rohingya et pour avoir commis des violations massives des droits humains, notamment des viols, des abus sexuels, des enlèvements et des actes de torture. Récemment, TOTAL a affirmé qu'elle mettrait fin à ses opérations au Myanmar, mais là encore, elle s’est retirée en laissant les destructions derrière elle. Au Yémen, le site GNL de Balhaf (dont Total détient 39 pour cent) a été révélé comme abritant la base de l'élite Shabwani, une milice tribale soutenue par les Émirats arabes unis. Officiellement un groupe antiterroriste, cette milice est officieusement connue comme un groupe créé pour protéger les intérêts des combustibles fossiles. Il a également été révélé que le site abritait les fameuses « prisons secrètes » des Émirats arabes unis détenant des prisonnier·ère·s yéménites.

Dès son entrée en scène, TOTAL a cherché des moyens d'éviter la responsabilité de ses actions et des impacts généralement onéreux de l'industrie extractive. L'une des façons d'y parvenir est de tout mettre sur le dos d'Anadarko, la société américaine qui a initialement dirigé le projet de GNL au Mozambique, jusqu'à ce que TOTAL prenne le relais en 2019. Anadarko avait lancé un simulacre de processus de consultation, qui violait plusieurs principes de consentement libre, préalable et éclairé. Les membres des communautés ne pouvaient pas exprimer leur désaccord lors des réunions de consultation ou par l'intermédiaire des comités mis en place pour les représenter, par crainte de représailles de la part du gouvernement ou de ne pas recevoir une compensation adéquate. Les dirigeant·e·s communautaires étaient souvent corrompu·e·s et, dans certains cas, ont donné un faux consentement au nom de la communauté.

Bien que connaissant les problèmes liés à ce processus, TOTAL l'a repris en l’aggravant et le rendant encore moins démocratique. Au contraire, l’entreprise a profité de l'aggravation du conflit et de son climat de chaos, de peur et de répression pour accélérer le processus de consultation. Ainsi, lorsque l'armée et la police ont assuré la sécurité des équipes de consultant·e·s, l'atmosphère de peur avait déjà réduit les voix au silence. Les communautés ont déposé des plaintes auprès de TOTAL, les informant des irrégularités et des dangers des paiements de compensation. Bien que TOTAL ait ignoré ces plaintes, ou les ait écartées, elle ne peut pas dire qu'elle n'était pas au courant. Pendant ce temps, la société prétend que le GNL du Mozambique permettra de sortir des millions de Mozambicain·e·s de la pauvreté. Mais l'histoire a montré que, même si le pays a accueilli plusieurs projets d'extraction au fil des décennies, aucun d'entre eux n'a profité à la population, et l'économie n'a fait qu'empirer. De plus, seul un tiers de la population a accès à l'électricité et TOTAL ne leur fournira pas d'énergie - la grande majorité de celle-ci sera exportée vers d'autres pays, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine, l'Inde et les Pays-Bas.

En outre, le gouvernement mozambicain a des antécédents de corruption concernant les combustibles fossiles. TOTAL est sans doute au courant du scandale des « obligations thonières » de 2016, actuellement au centre du plus grand procès de corruption jamais intenté au Mozambique. Les responsables mozambicain·e·s ont contracté un prêt illégal de 2 milliards de dollars auprès du Crédit Suisse et de la VTB Bank, promettant de rembourser l'argent grâce aux revenus du gaz, alors qu'iels le dépensaient en armes pour protéger les réserves de gaz. Nul besoin d’avoir davantage de preuves pour savoir que les revenus du gaz ne profiteront pas à la population! Le Mozambique tente toujours de se sortir de la crise de la dette et du profond gouffre financier dans lequel cet accord l'a plongé. En poursuivant ses activités habituelles avec le gouvernement mozambicain face à ce racket, TOTAL ne fait que favoriser et normaliser la corruption.

L'industrie du gaz sera un désastre économique majeur pour le Mozambique, et TOTAL s'assure activement que le pays n'en tire que peu de bénéfices : le consortium Mozambique LNG, dont TOTAL est le leader, ainsi que les autres consortiums de Rovuma LNG et Coral LNG, ont des filiales dans des paradis fiscaux, comme Dubaï, par lesquelles transiteront les revenus du gaz. Le Mozambique a conclu un accord de double imposition avec Dubaï, ce qui signifie que les consortiums ne paieront pas les 20 pour cent de retenues à la source sur les intérêts et les dividendes, comme ils l'auraient fait en vertu de la législation fiscale mozambicaine.

Un rapport récent de la société OpenOil, basée à Berlin, montre que le Mozambique perdra 5,3 milliards de dollars de recettes fiscales pendant la durée de vie de Mozambique LNG et de Coral LNG. En outre, les consortiums ont également bénéficié d'une réduction de 8 pour cent de l'impôt sur les sociétés de la part du gouvernement mozambicain pour les huit premières années de production. Il est clair que celleux qui prennent les décisions concernant l'industrie du gaz au Mozambique, tant au niveau local qu'à l'échelle mondiale, ne se soucient pas de l'impact du gaz sur le climat, la population et l'économie du pays. Les défenseur·euse·s des droits humains ont porté cette situation désastreuse, en détail, à l'attention de celleux qui financent, investissent, bénéficient et achètent à cette industrie. Il s'agit notamment des gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Afrique du Sud, de l'Italie, de la France, des Pays-Bas, du Japon, de la Standard Bank, de HSBC, de BP et de bien d'autres.

Pourtant, ils feignent l'ignorance ou trouvent des excuses bancales afin d’ignorer la souffrance des communautés touchées et faire face à la sombre réalité à laquelle contribuent leurs profits. Il est devenu évident que c'est l'industrie du gaz qui mène la barque et que les gouvernements se contentent de les suivre. Les entreprises et les gouvernements du Nord, qui se vantent de leur politique rigoureuse en matière de droits humains, ne se soucient guère de violer ceux du peuple mozambicain. Alors qu'ils disent à qui veut l'entendre qu'ils s'éloignent des combustibles fossiles dans leurs pays, en Afrique et dans le Sud, ils ne font qu’en planifier davantage, en pensant que personne ne regarde. Il est devenu évident que le peuple mozambicain ne peut pas compter sur les décideur·euse·s au pouvoir pour les protéger, elleux, l'environnement ou le climat, contre TOTAL et l'industrie mondiale des combustibles fossiles. Ces décideur·euse·s savent pertinemment que l'industrie gazière continuera à remplir les poches des élites politiques et économiques locales et internationales, comme elle le fait depuis des générations.

Ilham Rawoot travaille pour Justiça Ambiental/Amis de la Terre Mozambique.

Photo: Justiça Ambiental

Available in
EnglishPortuguese (Brazil)FrenchGermanSpanish
Author
Ilham Rawoot
Translator
Roxane Valier-Brasier
Date
06.07.2022
Source
Original article🔗
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