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Bulletin IP | N° 29 | Écran partagé géopolitique

Netanyahou à Washington ; les factions palestiniennes à Pékin.
Dans le 29e Bulletin de l'Internationale Progressiste de 2024, nous vous donnons des nouvelles de Washington où les États-Unis ont joué les hôtes diplomatiques du Premier ministre israélien et de Pékin où la Chine a joué les médiateurs auprès de 14 factions palestiniennes. Si vous souhaitez recevoir notre Bulletin dans votre boîte de réception, vous pouvez vous inscrire en utilisant le formulaire au bas de cette page.

Cette semaine, le monde a été confronté à un écran partagé géopolitiquement parlant.

D'un côté, le Congrès américain a accueilli un criminel de guerre et un fugitif. Au cours de son discours d'une heure, Benjamin Netanyahu a reçu 58 ovations de la part des élu·es américain·es, tandis que les forces de sécurité réprimaient brutalement les manifestant·es dans les rues de Washington.

De l'autre côté, la maison d'hôtes d'État Diaoyutai de Pékin a accueilli les 14 factions politiques palestiniennes. Ces groupes, qui comprennent le Fatah, le Hamas et le Front populaire de libération de la Palestine (communiste), sont parvenus à un accord, négocié par le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi, en vue de former un gouvernement d'unité nationale.

Les deux images représentent des visions radicalement différentes - bien qu'intimement liées - de l'avenir de l'ordre mondial.

L'hégémonie impériale des États-Unis est en déclin. Oui, ils peuvent encore dominer le monde militairement et armer Israël jusqu'aux dents. Pourtant, le soi-disant leadership moral des États-Unis - leur capacité à diriger par consentement - est en train d'être enterré sous les décombres de Gaza. Il est impossible pour les États-Unis de se présenter comme un défenseur des droits humains et du droit international alors que leurs fonctionnaires arment, financent et applaudissent le massacre aveugle de civil·es palestinien·nes.

Le président sortant Joe Biden a décrit Israël comme un avant-poste impérial américain, répétant depuis des décennies la même phrase : « S'il n'y avait pas d'Israël, nous devrions en inventer un pour sauvegarder les intérêts américains dans la région ». Mais l'adhésion de la classe politique américaine, au sens propre comme au sens figuré, à la négation éhontée de la valeur de la vie palestinienne par Bibi révolte la grande majorité des peuples du monde. Les crimes coloniaux d'Israël sont les crimes des États-Unis. M. Biden - avec le soutien politique des deux partis - est le partenaire de M. Netanyahou et son complice dans le génocide.

Selon le discours de Netanyahou, la campagne génocidaire d'Israël contre Gaza ne s'arrêtera pas avant une « victoire totale ». Ses intentions étaient claires : « Donnez-nous les outils, et nous finirons le travail plus vite ». Pour lui, les manifestant·es qui ont encombré les rues de la capitale américaine n'étaient que des « idiots utiles de l'Iran ».

M. Netanyahou a peint en couleurs primaires pour son public, affirmant que la guerre qu'ils finançaient était un « choc entre la barbarie et la civilisation ». Il a décrit l'assaut - qui a directement tué des dizaines de milliers de personnes, y compris des enfants assassiné·es par des tirs de snipers - comme un affrontement entre « ceux qui glorifient la mort et ceux qui sanctifient la vie ». Au total, le génocide pourrait avoir coûté la vie à 186 000 personnes, et beaucoup d'autres sont en voie de disparition en raison du manque de nourriture, d'eau et de moyens de subsistance. Selon les estimations, les enfants représentent au moins la moitié des mort·es. Aujourd'hui, presque chaque habitant·e de Gaza est dangereusement malade, blessé·e ou sous-alimenté·e, alors que ses infrastructures sont en ruines sous les bombes.

M. Netanyahou a eu le culot de se laver les mains de la famine de la population en affirmant que « si des Palestiniens de Gaza ne reçoivent pas assez de nourriture, ce n'est pas parce qu'Israël la bloque. C'est parce que le Hamas la vole ».

Ce point de vue n'est pas partagé par le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, ni par aucune des organisations humanitaires opérant sur le terrain. Dans la demande de mandat d'arrêt présentée en mai par Khan à l'encontre de M. Netanyahou et de son ministre de la défense Yoav Gallant pour responsabilité pénale dans des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, la « privation de nourriture des civils comme méthode de guerre en tant que crime de guerre contraire à l'article 8(2)(b)(xxv) du Statut » figurait en tête de la liste des chefs d'accusation.

À Washington, nous avons vu une vision de l'avenir de l'humanité - une vision dans laquelle Gaza est un avertissement pour toutes celles et tous ceux qui osent résister aux contours de la nouvelle guerre froide des États-Unis.

À 11 000 kilomètres de là, la veille, la déclaration de Pékin a été signée par 14 factions palestiniennes. Elle fait suite à trois jours de discussions intenses à Pékin, le terrain ayant été préparé lors de pourparlers antérieurs entre le Hamas et le Fatah, les deux factions les plus importantes, accueillies par Pékin en avril.

La Chine se positionne de plus en plus comme un intermédiaire honnête dans les différends et les conflits à travers le monde. L'année dernière, la Chine a servi de médiateur pour un accord visant à réduire les tensions et à améliorer les relations bilatérales entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Cet accord a permis de mettre fin à une guerre brutale de huit ans au Yémen, qui avait fait au moins 377 000 mort·es en raison de la violence directe, de la famine et du manque de soins de santé. Les rivaux régionaux ont rétabli leurs relations diplomatiques et relancé un accord de coopération en matière de sécurité. Il ne fait aucun doute que sans cet accord, le Yémen ne serait pas en mesure d'être solidaire de la Palestine comme il l'est aujourd'hui.

La politique officielle de non-ingérence de la Chine dans les affaires intérieures des autres États, en vigueur depuis longtemps, est en train d'être adaptée pour inclure la facilitation internationale. Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, qui a négocié les accords entre l'Iran et l'Arabie saoudite et les factions palestiniennes, a déclaré cette semaine que « la réconciliation des factions palestiniennes est une affaire interne aux Palestiniens, mais qu'elle ne peut se faire sans soutien international ». Il a déclaré que la déclaration constituait un « moment historique important dans la cause de la libération palestinienne » et qu'elle s'inscrivait dans le cadre du « principe de la gouvernance de la Palestine par les Palestinien·nes ».

À cette fin, la déclaration engage les 14 factions à travailler ensemble à la formation d'un gouvernement d'unité nationale afin d'entamer la reconstruction des territoires dévastés, d'unifier les institutions palestiniennes divisées entre la Cisjordanie et la bande de Gaza et de préparer des élections nationales.

On fait souvent remarquer, à la suite d'Aimé Césaire et de Franz Fanon, que le colonialisme décivilise le colonisateur en même temps qu'il brutalise le colonisé. Il s'ensuit que la résistance à cette brutalisation dans la colonie et la métropole est la véritable force civilisatrice tant pour les colonisé·es que pour les colonisateur·ices. La dignité de l'affirmation de notre humanité commune face à la brutalité est la base de la véritable civilisation.

Cet esprit, nous le retrouvons ici. À Pékin, les factions palestiniennes ont pris des mesures concrètes pour affirmer que les Palestinien·nes gouverneront la Palestine, comme ils et elles en ont le droit. À Washington, les gens ont envahi les rues pour s'opposer à la destruction israélo-américaine de la Palestine, tandis qu'une minorité de la classe politique américaine s'est engagée dans de faibles gestes de protestation : 135 démocrates et l'indépendant Bernie Sanders n'ont pas assisté au discours de Netanyahou, contre 50 en 2015. L'unique représentante palestinienne-américaine du Congrès, Rashida Tlaib, a assisté au discours non pas pour applaudir mais pour brandir une pancarte condamnant Netanyahou comme « criminel de guerre » et « coupable de génocide » - le seul geste de protestation de la classe politique américaine.

Comme le montre cette newsletter, le pendule de l'histoire mondiale oscille du Nord au Sud. Les mutineries, tant au Nord qu'au Sud, s'amplifient et se rapprochent de jour en jour. Ce faisant, un nouveau monde fondé sur le dialogue et la coopération se dessine à travers les fissures d'un ordre impérial qui s'effondre.

Dernières nouvelles du mouvement

Ruto doit tomber

Alors que le peuple kenyan, mené par des forces telles que le Parti communiste du Kenya et le Mathare Social Justice Centre, membre de l’IP, poursuit sa lutte contre le régime de William Ruto et l'austérité imposée par le FMI, les messages de solidarité affluent du monde entier.

En Pologne, Akcja Socjalistyczna, membre de l’IP, a dénoncé les « solutions économiques cruelles du FMI qui ne servent que les élites capitalistes » dans le monde entier.

En Turquie, le SYKP, membre de l’IP, a appelé la classe ouvrière turque à renforcer ses liens avec les travailleur·euses d'Afrique et s'est déclaré fermement solidaire de la « lutte du peuple kenyan contre l'impérialisme, le colonialisme et la tyrannie ».

Aux États-Unis, le comité international de la DSA, membre de l’IP, a souligné la nécessité d'une « organisation et d'une solidarité persistantes des socialistes aux États-Unis - une solidarité qui doit inclure des sacrifices volontaires ».

Au Pakistan, le HKP, membre de l’IP, confronté à sa propre vague de manifestations contre l'austérité du FMI, a envoyé un message de solidarité au Bangladesh et au Kenya.

Pas de port pour le génocide

L'Overseas Santorini, un pétrolier américain chargé de carburant pour les jets israéliens qui bombardent Gaza, se trouve au milieu de l'Atlantique. Son passage est surveillé par une coalition de groupes, dont l'Internationale Progressiste. Il est attendu dans le port espagnol d'Algeciras dans l'après-midi du 30 juillet.

Le samedi 27 juillet, à partir de 11h30, sur la place Juan de Lima, à Algerciras, des citoyen·nes et des organisations déclareront « Pas de port pour le génocide » et demanderont au gouvernement espagnol d'interdire l'accès au port à ce navire génocidaire.

Biden se retire

Dimanche, le président américain Joe Biden a finalement cédé à l'inévitable et s'est retiré de la course à la présidence américaine de 2024. En réaction, les Socialistes démocrates d'Amérique, membres de l’IP, ont déclaré que Joe Biden avait « mérité une fin de carrière honteuse ».

Le DSA accuse Biden d'être depuis longtemps « un belliciste et un auteur de génocide, un complice des grandes entreprises, un ennemi des immigré·es et de l'environnement, et un échec pour la classe ouvrière ». L'organisation politique appelle à « un nouveau parti qui représente un mouvement de masse des gens de tous les jours qui veulent se lever et se battre pour un monde sans guerre, sans sectarisme et sans exploitation des entreprises. Nous méritons un parti qui défendra le pouvoir des travailleur·euses, luttera pour la libération et la dignité de toutes et tous, mettra fin à la crise climatique et créera des programmes universels tels que des logements publics, des universités gratuites et un système d'assurance-maladie pour chacun·e ».

Le Premier ministre britannique suspend deux membres du Conseil de l’IP

Keir Starmer, le nouveau premier ministre britannique issu des élections de ce mois-ci, a suspendu l'affiliation au parti de sept député·es, dont Zarah Sultana et John McDonnell, membres du Conseil de l'IP. Les sept député·es travaillistes avaient voté en faveur d'un amendement au programme législatif de Starmer visant à supprimer le plafonnement des allocations pour les familles de plus de deux enfants, une politique qui, à elle seule, plonge des centaines de milliers d'enfants dans la pauvreté. Pendant au moins six mois, les sept député·es siégeront en tant qu'indépendant·es, rejoignant ainsi cinq autres député·es indépendant·es élu·es ce mois-ci, dont leur collègue du Conseil de l’IP Jeremy Corbyn, sur un programme pro-paix et anti-austérité.

L'art de la semaine: Adam Rouhana (né en 1991 à Boston, MA) est un photographe américano-palestinien basé à Jérusalem et à Londres. La photographie de Rouhana vise à déconstruire l'orientalisme à travers son objectif subjectif dans le contexte plus large de la Palestine. Prises à Jérusalem, Jéricho, Haïfa, Hébron, Bethléem et dans toute la Palestine historique au cours des deux dernières années, ces photographies de la série « Before Freedom » ne sont que deux des 20 images qui montrent le prisme complet de la vie dans un endroit dont on parle si souvent mais que l'on voit rarement : les enfants jouent, les ami·es se baignent et les familles pique-niquent, et le temps passe inlassablement malgré la réalité écrasante de la Nakba qui se perpétue.

Available in
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Date
26.07.2024
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