«Vive la révolution grenadienne ! Vive l’unité militante et la solidarité des travailleur·euse·s à l’échelle internationale !»
Le 25 octobre 1983, les États-Unis ont envahi la Grenade, une petite république insulaire située dans l'est des Caraïbes, d’environ 33 km de long et 19 km de large, avec une population à cette époque de 94 948 habitant·e·s.
Pourtant, malgré sa taille géographique, les États-Unis considérait la Grenade comme une menace politique redoutable et effrayante. Depuis 1979, la Grenade avait un gouvernement socialiste, le Gouvernement révolutionnaire du peuple, dirigé par le charismatique Maurice Bishop du New Jewel Movement. La Grenade entretenait des relations amicales avec Cuba, le Nicaragua et l’Union soviétique, et était devenue un symbole de possibilités radicales pour les gauchistes de toute la Caraïbe.
Lorsque le gouvernement de Bishop a commencé à construire, avec le soutien international, notamment du Canada et du Royaume-Uni, l’aéroport international de Point Salines, Ronald Reagan a dénoncé cette initiative comme une tentative des Soviétiques et des Cubains de renforcer leur présence militaire dans la région. Il s’agissait en réalité d’un projet s'inscrivant dans un plan de développement économique dont les origines remontaient aux années 1950.
Le gouvernement révolutionnaire de la Grenade allait toutefois s’effondrer rapidement en raison de conflits politiques internes. Cela conduisit à l’arrestation et à l’exécution de Bishop et de sept autres personnes le 19 octobre 1983. Reagan, s’appuyant sur des plans élaborés par Casper Weinberger et Colin Powell, y vit une opportunité. Les États-Unis lancèrent l’opération Urgent Fury, une invasion militaire de 7600 soldats américains, soutenue par la Jamaïque d’Edward Seaga et le système de sécurité régionale des Caraïbes orientales. Ce fut la fin rapide et décourageante de la révolution de la Grenade et, selon certains, des perspectives d’une alternative socialiste démocratique au fondamentalisme du libre marché américain dans les Caraïbes.
Ce qui demeure important pour les Caraïbes, c’est le fait qu’il existait une alternative. Dans les Caraïbes d’aujourd’hui, le néolibéralisme a triomphé sur le champ de bataille idéologique, tandis que les États-Unis manœuvrent en vue d'une nouvelle offensive dans la guerre économique et politique dans la région. Actuellement, alors qu’ils continuent d’étouffer ce qui reste de la révolution cubaine, les États-Unis, soutenu ardemment par les dirigeants néolibéraux et servilement pro-américains du Guyana et de Trinité-et-Tobago, ont rassemblé 10 000 soldats dans les Caraïbes avec pour motif évident de destituer Nicolás Maduro du Venezuela, d'étouffer la révolution bolivienne et de prendre le contrôle des ressources du pays.
Alors que les Caraïbes sont confrontées à la fois au gangstérisme génocidaire des États-Unis et à une classe de comprador capturée qui gère la région, il vaut la peine de réfléchir aux possibilités alternatives qui s'offrent à la région. En 1980, Maurice Bishop a prononcé un discours lors d’un rassemblement de 1,5 million de personnes à La Havane. Intitulé Cuba, Nicaragua, Grenade. Ensemble, nous vaincrons, ce discours reunissait les révolutions cubaine, nicaraguayenne et grenadienne pour défendre les possibilités radicales d’unité et d’autodétermination des Caraïbes face à l’impérialisme américain. Nous ferions bien de tenir compte de ses paroles
Nous reproduisons ci-dessous le discours de Bishop.
Cher Camarade Fidel Castro. Cher Camarade Daniel Ortega. Chers Camarades révolutionnaires de Cuba libre et révolutionnaire
Je vous transmets aujourd’hui les salutations chaleureuses et révolutionnaires du peuple libre de la Grenade. [Applaudissements] Ce matin, chers camarades, je prenais la parole lors d’un rassemblement dans mon pays à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs, et j’ai quitté mon pays peu après 11 heures pour parcourir plus de 1600 km pour rejoindre votre pays. Même si la distance avait été de plus de 16000 km, aucune force sur terre n’aurait pu m’empêcher d’être ici aujourd’hui. [Applaudissements]
L’unité, la solidarité militante qui unifie nos pays, les luttes de nos peuples ; c’est cette unité et cette solidarité qui font aujourd’hui trembler l’impérialisme, car nous reconnaissons à la Grenade, tout comme le reconnaissent les impérialistes, que sans la révolution cubaine de 1959, il n’y aurait pas eu de révolution grenadienne, ni de révolution nicaraguayenne en 1979. [Applaudissements]
C’est la révolution cubaine qui a enseigné aux peuples d’Amérique latine et des Caraïbes comment faire face aux blocus, comment vaincre les invasions criminelles de leurs territoires. Les habitant·e·s de cette région ont observé Girón, iels ont observé La Coubre, ont observé Escambray, ont observé les tentatives d’assassinat de leurs dirigeant·e·s ; se souviennent de la destruction de leur avion de ligne cubain en octobre 1976, ont été témoins de vos luttes ; ont été inspiré·e·s par vos victoires ; et ont observé que, malgré ces difficultés, la Cuba révolutionnaire a reussi éradiquer l’analphabétisme, la prostitution, la toxicomanie et le chômage. Ils vous ont vu construire le socialisme dans votre petit pays. Ils ont vu vos avancées et vos réalisations en matière de santé et d’éducation. Iels ont vu qu’aujourd’hui, 21 ans après votre révolution, votre pays est capable d’aider plus de 30 pays à travers le monde. Des pays comme la Grenade et le Nicaragua seront toujours reconnaissants envers le peuple cubain et la révolution cubaine pour leur aide, leurs médecins, leurs enseignant·e·s et leurs travailleur·euse·s altruistes.
Il est certain qu'à la Grenade, nous n’oublierons jamais que c’est l’aide militaire apportée par Cuba au cours des premières semaines de notre révolution qui nous a fourni les bases nécessaires pour défendre notre révolution. [Applaudissements] Et lorsque nous sommes face à l’impérialisme et aux réactions qui nous demandent sans cesse pourquoi nous voulons des armes à la Grenade, d’où elles proviennent, pourquoi un pays aussi petit aurait-il besoin d'autant d’armes, nous leur donnons la réponse que notre peuple a toujours donné. Chaque fois que des mercenaires ou des agresseurs étrangers débarquent dans notre pays, ils découvrent nos armes, l'usage que nous en faisons, et leur provenance alors que nous versons leur sang sur notre sol. [Applaudissements]
Votre révolution, chers camarades, a également offert à la région et au monde une légende vivante en la personne de votre grand et indomptable leader, Fidel Castro. [Applaudissements] Fidel nous a appris non seulement à combattre, mais aussi à travailler, à construire le socialisme, et à diriger notre pays dans un esprit d’humilité, de sincérité, d’engagement et de leadership révolutionnaire déterminé. [Applaudissements]
Il est important d’être dans la révolution cubaine à cette période de l’histoire mondiale. Aujourd’hui, nous assistons à une nouvelle crise du capitalisme international. Aujourd’hui, nous les voyons se plaindre de la baisse de leurs superprofits. Nous voyons leur taux d’intérêt grimper vers les 20%. Ils ont même dû réduire de plus de 500 millions de dollars les budgets consacrés aux repas scolaires de leurs enfants. Leurs travailleur·euse·s constatent chaque jour que des emplois disparaissent. Leurs profits de plus de 33 milliards de dollars sur leurs investissements à travers le monde les obligent à créer de nouvelles tensions dans le monde, afin que leur économie basée sur la guerre et l’armement, puisse à nouveau prospérer.
Ils·elles sont également terrifié·e·s par les victoires des mouvements de libération nationale en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et ici même, en Amérique latine, les observateur·rice·s constatent qu’aujourd’hui les luttes des peuples de la région continuent d’atteindre de nouveaux sommets. Le Salvador apparaît comme un exemple à suivre ; si hier c’était Cuba, le Nicaragua et la Grenade, demain ce sera sans aucun doute El Salvador. [Applaudissements]
La décision a donc été prise d’intensifier leurs livraisons d’armes et leur course aux armements. Ils ont décidé de saborder le traité SALT II et la détente. Il a été décidé de dépenser cette année plus de 142 milliards de dollars en armement. Dans le même temps, les invasions qui ont caractérisé leurs relations avec notre région au fil des ans, à commencer par la doctrine Monroe en 1823, les amènent à élaborer de nouvelles doctrines, à planifier de nouvelles manœuvres, à obtenir de nouvelles bases pour renforcer et approfondir leur présence militaire dans l’espoir que cela permettra d'écraser la vague montante de conscience de libération nationale qui balaye notre région et le monde.
Leurs interventions au Mexique, au Nicaragua, en Colombie, au Panama, en République dominicaine, en Haïti, au Honduras, toutes ces invasions menées au fil des ans ; iels se préparent aujourd'hui à se lancer dans une nouvelle campagne de terreur et d’intimidation contre les peuples de notre région.
Parfois, cela ne se passe plus par une intervention directe ; parfois les responsables s’appuient davantage sur le contrôle et la manipulation, sur le recours à la menace de la force, sur les techniques de déstabilisation, sur l’utilisation de la pression diplomatique, sur l’utilisation de la destabilisation par la propagande, sur la politique d’isolement économique. Dans chaque cas, tout cela vise à jeter les bases d’un coup d’État organisé ou soutenu par les États-Unis.
En 1954, les responsables ont réussi à renverser Arbenz au Guatemala. En 1973, ils ont réussi à renverser Allende au Chili. Néanmoins, la leçon qu’iels n’ont jamais oubliée et qu’iels n’oublieront jamais, c’est qu’en 1961, iels ont échoué lorsqu’iels ont tenté le coup à Girón ici même, dans la Cuba révolutionnaire ! [Applaudissements]
Aujourd’hui, nous pouvons les entendre s'élever contre le processus révolutionnaire au Nicaragua et à Cuba. On les entend parler des droits de l’Homme, on les entend appeler à des élections même sans comprendre que nos révolutions sont des révolutions populaires. On les voit encourager les ultra-gauchistes de nos pays à mener des actions violentes contre nos peuples. Leur propagande a atteint un tel point où nos pays sont devenus des enjeux électoraux dans la campagne présidentielle de ce pays. En parallèle, comme d’habitude, les menaces contre la Cuba révolutionnaire, la poursuite du blocus économique criminel contre la Cuba révolutionnaire, la création de crises artificielles les unes après les autres. D’abord la question des troupes soviétiques en octobre dernier, et maintenant la question des soi-disant réfugiés à ce moment. Tout cela fait partie intégrante de la campagne impérialiste visant à diffamer la révolution cubaine, à isoler le peuple cubain, à jeter les bases d’une invasion armée ou tout autre forme d’intervention dans votre cher pays. Mais à la Grenade, nous avons un slogan qui dit : « Si cela touche Cuba ou si cela touche le Nicaragua, cela touchera aussi la Grenade. » [Applaudissements]
Chers camarades, en tant que propriétaires de cette région, en tant que citoyens de ces pays, c’est à nous de décider ce que nous voulons faire de nos vies dans nos pays. C’est à nous, peuples de la région, d’exiger ou non la présence de bases militaires sur notre territoire. C’est à nous de décider si nous voulons ou non que les avions d’autres pays survolent nos pays. L’un des actes les plus méprisants et les plus arrogants de l’impérialisme consiste aujourd’hui à croire qu’en 1980, non seulement iels ont le droit d’avoir une base à Guantánamo, mais qu’iels ont aussi le droit d’effectuer des manœuvres militaires sur le sol même de la Cuba libre et révolutionnaire.
Nous, habitants de cette région, exigeons que notre région soit reconnue et respectée comme une zone de paix. Nous exigeons le départ de toutes les forces militaires spéciales et des patrouilles aériennes et maritimes dans notre région. Nous exigeons que les peuples de la région soient libérés du harcèlement militaire agressif de toute puissance militaire. Nous exigeons la fin de la doctrine Monroe, de la doctrine Carter et de toutes les autres doctrines qui visent à perpétuer l’interventionnisme ou le « backyardisme » dans la région. Il faut mettre fin à toutes les tentatives visant à utiliser le soi-disant appareil de maintien de la paix de l’Organisation des États américains pour intervenir militairement dans la région, afin de freiner les mouvements progressistes et patriotiques.
Nous demandons également aujourd’hui que le droit à l’autodétermination de tous les peuples de la région soit reconnu et accepté.
Nous réitérons aujourd’hui notre appel en faveur de l’indépendance du peuple frère de Porto Rico. [Applaudissements]
Nous insistons aujourd’hui pour que tous les peuples de la région dans les 25 pays coloniaux qui existent encore (territoires anglais, néerlandais, français ou américains) puissent acceder à leur droit à l’indépendance. Nous exigeons que le principe de pluralisme idéologique soit respecté et mis en pratique par les puissances impérialistes.
Nous devons avoir le droit de mettre en place nos propres processus, sans ingérence extérieure, sans aucune forme de menaces ou tentatives visant à nous forcer à accepter les processus d’autrui.
Aujourd’hui, nous revendiquons la fin des invasions, des débarquements des marines, des canonnières, de la Playa Girón, des tueries et massacres de nos Sandino, nos Che et nos Allende. [Applaudissements]
Nous appelons également à la fin de l’armement et du financement des régimes contre-révolutionnaires et antipopulaires, antidémocratiques ou antiprogressistes. Il faut mettre fin à la manipulation des tensions régionales et mondiales à des fins électorales. L’avenir de la région et l’avenir du monde, la question de la paix mondiale ne peuvent être compromis à cause d’une élection, quelle qu’elle soit.
Le respect de la souveraineté, de l’égalité juridique et de l’intégrité territoriale des pays de notre région doit être effective. Il est clair aujourd’hui, cher camarades, que les plans désespérés de l’impérialisme peuvent être une fois de plus déjoués, à condition que nous restions organisés, vigilants, [...] et que nous fassions preuve d’une solidarité anti-impérialiste ferme et militante.
Nous nous tournons vers le peuple cubain, nous comptons sur votre révolution et votre leadership pour permettre au processus révolutionnaire dans la région des Caraïbes et de l’Amérique centrale d’avancer avec force.
Nous vous saluons, peuple épris de liberté de Cuba révolutionnaire. Nous saluons votre grand leader révolutionnaire, le camarade Fidel Castro. [Applaudissements]
Vive le peuple épris de liberté de Cuba révolutionnaire ! [Applaudissements et cris de « Longue vie ! »]
Vive le Parti communiste de Cuba ! [Applaudissements et cris de « Longue vie ! »]
Vive le camarade Fidel Castro ! Vive la révolution nicaraguayenne ! Vive le Front sandiniste de libération ! Vive les mouvements de libération nationale ! Vive le monde socialiste ! Vive la révolution grenadienne ! Vive l’unité militante et la solidarité des travailleurs à l’échelle internationale ! Cuba, le Nicaragua, la Grenade, ensemble, nous vaincrons ! [Applaudissements] Adelante siempre, atrás nunca ! [Toujours avancer, jamais reculer]
[Ovation]