Labor

Une usine sans patrons : Voix d'Indorca

Les travailleur·euse·s d'Indorca appartiennent au domaine de la légende au Venezuela, mais leur expérience nous enseigne que l'autogestion démocratique est une réelle possibilité.
Industrias del Orinoco, C.A. (Indorca) est une usine sans patrons située dans la ville industrielle de Puerto Ordaz, dans l'État de Bolívar, où se trouvent les industries de base du Venezuela. Les travailleur·euse·s d'Indorca ont mené une lutte héroïque de trois ans pour prendre le contrôle de l'usine après que l'ancien propriétaire en ait fait cesser l'activité. Depuis 2015, lorsque le Ministère du travail du Venezuela a prolongé un mandat octroyant aux travailleur·euse·s le contrôle d'Indorca, l'entreprise est gérée démocratiquement par les femmes et les hommes qui travaillent ici jour après jour.
Industrias del Orinoco, C.A. (Indorca) est une usine sans patrons située dans la ville industrielle de Puerto Ordaz, dans l'État de Bolívar, où se trouvent les industries de base du Venezuela. Les travailleur·euse·s d'Indorca ont mené une lutte héroïque de trois ans pour prendre le contrôle de l'usine après que l'ancien propriétaire en ait fait cesser l'activité. Depuis 2015, lorsque le Ministère du travail du Venezuela a prolongé un mandat octroyant aux travailleur·euse·s le contrôle d'Indorca, l'entreprise est gérée démocratiquement par les femmes et les hommes qui travaillent ici jour après jour.

Dans la première partie de cette interview en deux parties, les travailleur·euse·s d'Indorca nous parlent de leur combat pour empêcher les anciens patrons de démanteler l'usine et reprendre le contrôle de celle-ci. Dans la deuxième partie, nous découvrirons la lutte pour maintenir l'usine à flot dans un pays sanctionné, ainsi que les initiatives éducatives d'Indorca.

Une histoire de lutte : Les travailleur·euse·s d'Indorca occupent l'usine

Après un lock-out imposé par le propriétaire, les travailleur·euse·s d'Indorca ont organisé une surveillance pour protéger l'usine. Iels ont dormi dans la "maloca" [structure extérieure dotée d'un toit mais dépourvue de murs] à la sortie de l'usine et ont débattu de la mise en place d'un mode de gestion plus démocratique. Iels se sont également mobilisé·e·s pour que le gouvernement applique l'article 149 de la Loi sur le travail, qui autorise les travailleur·euse·s à prendre le contrôle d'une entreprise lorsque la·le propriétaire sabote le processus de production.

Eliezer Perdomo : Indorca est un établissement métallurgique, destiné à servir les industries de base de Guayana [nom historique utilisé pour désigner l'État de Bolívar], de Sidor [usine d'acier publique] à Venalum et Alcasa [deux usines d'aluminium publiques]. Elle a été fondée en 1976. L'ancien propriétaire était Oscar Jiménez Ayesa, un capitaliste ayant des intérêts industriels et bancaires.

José Cedeño : Vers 2010, lorsque Chávez cherchait à radicaliser le processus bolivarien, les premiers signes d'une guerre économique contre le peuple vénézuélien sont devenus évidents. Ici, à Guayana, les patrons ont commencé à ralentir le rythme dans de nombreuses usines privées. Ils n'ont pas payé les avantages sociaux des travailleur·euse·s, ont commencé à procéder à des licenciements et ont délibérément créé des goulets d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement.

Cela se passait également à Indorca, nous avons donc décidé de former un syndicat en 2011. Inutile de dire que les patrons n'ont pas souri à la suite de cette démarche. Ils ont licencié plusieurs organisateur·rice·s en plein milieu du processus de négociation collective, dont moi. Les patrons ont également émis une ordonnance restrictive à notre encontre, et nous n'étions pas autorisé·e·s à entrer dans le périmètre d'Indorca. Mais cela ne nous a pas empêché·e·s de continuer le travail, en gardant nos distances.

C'étaient des moments difficiles, mais aussi magnifiques : nous étions sans emploi, mais la solidarité ouvrière nous maintenait en vie, et nous avons commencé à réfléchir à notre potentiel en tant que classe : si nous produisions les marchandises et que les patrons sabotaient la production, pourrions-nous contrôler le processus ?

En 2012, deux mois seulement après l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le travail, les patrons ont fermé l'usine. Iels n'ont pas été les seuls à le faire : d'autres entreprises privées ont également mis la clé sous la porte. Il s'agissait d'un effort de sabotage coordonné, motivé par des objectifs politiques. Les patrons ne voulaient plus de Chávez, même si beaucoup d'entre eux avaient bénéficié de crédits et de contrats du gouvernement pendant des années.

Lorsque le propriétaire a déclaré faillite et a cessé ses activités à Indorca, il est devenu évident qu'il voulait également démanteler l'usine. Cela s'était produit dans d'autres usines, et nous ne voulions pas que cela se produise ici. C'est pourquoi nous avons mis en place une veille permanente pour défendre les installations. Nous dormions sur des morceaux de carton et des hamacs dans la maloca, tout en mangeant les fruits que nous pouvions cueillir et les iguanes que nous récupérions. Mais nous avons également reçu la solidarité des travailleur·euse·s des autres entreprises.

Parallèlement, nous avons commencé à réfléchir à un autre modèle de production qui se rapprocherait du nôtre : si nous prenions des décisions dans une assemblée en défense d'Indorca, pourquoi ne pourrions-nous pas diriger collectivement l'usine de manière semblable ? Les choses n'étaient pas simples, mais nous apprenions beaucoup.

Entre-temps, les patrons ont intenté un procès pour non-respect de la propriété privée contre 20 travailleur·euse·s, si bien que nous avons dû nous présenter aux tribunaux toutes les deux semaines pendant trois ans. Le propriétaire a également envoyé la Garde nationale, la police et les SEBIN (services de renseignements bolivariens) pour nous harceler.

Levi García : Comme José l'a dit, nous avons décidé d'organiser un syndicat en 2011 ; celui qui existait répondait aux intérêts des patrons. Le syndicat des travailleur·euse·s a obtenu la majorité des voix, et nous avons entamé un processus de négociation collective. Nous avons avancé dans nos négociations, mais lorsqu'il a été question des incitations économiques, le processus est tombé au point mort. Finalement, le Ministère du travail a dû intervenir et nous sommes parvenu·e·s à un accord. Toutefois, peu de temps après, l'entreprise a commencé à licencier des travailleur·euse·s.

Les patrons ont également essayé d'amener certains d'entre nous à collaborer au processus, ce que nous nous sommes évidemment refusé·e·s à faire. À terme, ils ont fermé l'usine. C'est alors que nous avons décidé de nous organiser pour protéger Indorca : nous savions que si nous ne le faisions pas, les agents du propriétaire démantèleraient l'usine.

Enfin, le 23 mars 2015, nous avons obtenu le contrôle d'Indorca : le Ministère du Travail nous a reconnus comme les administrateur·trice·s légitimes de l'usine et il a appliqué l'article 149 de la loi sur le travail.

Indorca (Voces Urgentes)

Eliezer Perdomo : Le 30 juillet 2012, les patrons ont congédié tous·tes les travailleur·euse·s, les ont mis·e·s dans un autobus et ont procédé à la fermeture de l'usine. Ces travailleur·euse·s n'ont jamais été payé·e·s.

Il était évident que nous devions protéger les moyens de production, alors nous avons installé une sorte de campement dans la maloca. Nous devions dormir dans le froid et chasser notre propre nourriture, mais nous n'allions pas laisser Oscar Jiménez faire ce qu'il voulait et démanteler Indorca.

Nous étions démuni·e·s et fatigué·e·s, mais nous avons persévéré. Notre esprit de corps grandissait. C'est alors que nous avons commencé à prendre des décisions en assemblée permanente. Nous avons établi un plan : certain·e·s seraient chargé·e·s de protéger l'usine, d'autres iraient à Caracas pour se faire entendre, d'autres encore vendraient des billets de tombola pour financer la lutte.

Levi García : L'année 2013 a été très difficile. Nous n'avions pas de travail et pas de revenus, et je me souviens que le mois de décembre a été particulièrement difficile car je n'avais pas d'argent pour acheter des vêtements neufs pour mes enfants. Mais tout cela a aussi été une merveilleuse expérience d'apprentissage. La solidarité mutuelle et la camaraderie ont émergé de la surveillance que nous avons effectuée dans la maloca.

Par la suite, mais toujours pendant le conflit avec les patrons, nous avons commencé à décrocher des petits boulots. Cela signifiait que même si la situation était difficile, nous pouvions ramener quelque chose à la maison.

Josefa Hurtado : Ces années ont été vraiment difficiles : nous n'avions pas de salaire, nous n'avions pas de travail, mais nous étions déterminé·e·s à aller de l'avant. Le propriétaire voulait que nous échouions, alors que nous voulions poursuivre la production. Au final, nous avons réussi. C'est nous, les travailleur·euse·s, qui avons relancé l'usine. Nous l'avons fait sans patrons et sans ingénieurs.

Victor Mujica : Pendant que nous faisions notre garde permanente pour protéger les actifs de l'usine, nous avons reçu beaucoup de solidarité de la part des travailleur·euse·s d'autres usines, notamment Calderys, qui était déjà sous contrôle ouvrier. Nous avons également reçu le soutien des travailleur·euse·s de Sidor et des travailleur·euse·s d'autres entreprises. Nos camarades nous trouvaient parfois des petits boulots pour que nous ayons un revenu. La solidarité de classe était très importante.

Finalement, en 2015, le gouvernement a appliqué l'article 149, qui nous a conféré le contrôle de l'usine. Lorsque le Ministère du travail applique l'article 149, il ouvre la voie au contrôle des travailleur·euse·s. D'abord, un comité de trois personnes est établi avec deux représentant·e·s des travailleur·euse·s et un représentant du propriétaire. Comme le représentant du propriétaire ne s'est pas présenté, nous avons pu remplir le troisième siège avec un·e autre représentant·e des travailleur·euse·s. C'est ainsi que nous avons finalement pris le contrôle d'Indorca.

La lutte pour y accéder a été longue : presque trois ans à défendre les moyens de production, des mois à dormir dehors, à chasser l'iguane, à être harcelé·e·s par la police...

La lutte en valait la peine, mais les choses n'ont pas été faciles par la suite. Les sbires des propriétaires avaient retiré les câbles à haute puissance et d'autres équipements. Nous étions également devenu·e·s un modèle toxique - en raison de notre victoire de classe - et il nous a donc fallu du temps pour obtenir de nouvelles commandes. Finalement, en 2016, nous avons signé des contrats avec Venalum et Sidor.

José Cedeño : La capacité de résistance d'Indorca est devenue un mythe à Ciudad Guayana [Puerto Ordaz]. Nous avons eu la vie très dure - nous avons été harcelé·e·s et persécuté·e·s - mais le principal est que nous sommes resté·e·s ensemble en tant que travailleur·euse·s. Pourquoi ? Parce que nous savions qu'Indorca était important pour les industries de base et pour le pays.

Lorsque nous avons finalement été reconnu·e·s en vertu de l'article 149, nous avons obtenu le contrôle de l'usine. Ensuite, nous avons dû surmonter d'autres obstacles, tant économiques qu'administratifs. Nous savions comment produire, mais la gestion était toute nouvelle pour nous. Pour enregistrer toutes nos recettes et dépenses, nous les avons simplement notées dans un cahier. Dans une assemblée mensuelle des travailleur·euse·s, nous prenions toutes les décisions importantes, en appliquant les principes démocratiques que nous avions appris sous la maloca.

Nous avons également dû prospecter pour décrocher de nouveaux contrats. Ce n'était pas facile, car nous étions dans une sorte de flou en tant qu'entreprise ni privée ni publique. Mais finalement, nous avons obtenu nos premiers contrats. Ce fut une bataille de trois ans, mais qui en valait la peine !

Relance et contrôle démocratique

Chez Indorca, le contrôle démocratique et la gestion collective d'une usine ne relèvent pas d'une utopie future. Au contraire, les travailleur·euse·s dirigent l'entreprise sans avoir de patron et prennent toutes les décisions importantes dans le cadre d'une assemblée mensuelle où chaque travailleur·euse a une voix et un vote égaux.

Le contrôle démocratique

José Cedeño : La décision du gouvernement d'appliquer l'article 149 a été prise alors que Jesús Martínez, de l'Université bolivarienne des travailleur·euse·s Jesús Rivero [université gérée par les travailleur·euse·s], était ministre du Travail. Son soutien au processus a été fondamental.

Lorsque le verdict est tombé, nous avions déjà décidé que nous gérerions l'entreprise de manière démocratique. Bien que l'article 149 établisse qu'un comité de trois travailleur·euse·s élu·e·s démocratiquement serait chargé de l'administration de l'entreprise, à Indorca, c'est l'assemblée qui a le dernier mot.

Pendant les trois années où nous avons tenu le fort, nous avons appris l'égalité et la solidarité. En tant que soudeur·euse·s, mécanicien·ne·s et superviseur·euse·s, nous avons tous·tes connu les mêmes difficultés et nous avons pris les décisions importantes ensemble. Les choses allaient être différentes dans la nouvelle mouture d’Indorca ! L'égalité ne se limiterait pas à la prise de décisions, elle concernerait aussi les salaires... Nous serions tous·tes payé·e·s de la même façon, et c'est ce qui s'est passé jusqu'à présent.

Alors que les entreprises privées et même les entreprises publiques ne montrent pas leurs comptes aux travailleur·euse·s, ici, nous examinons nos comptes collectivement une fois par mois. Chaque bolívar qui a été débité ou crédité est reflété sur le tableau blanc [dans la salle de réunion d'Indorca].

Lors de notre assemblée mensuelle, nous parlons également du déroulement des opérations, nous abordons tout problème auquel nous pouvons être confronté·e·s à tel ou tel moment, nous débattons de l'opportunité d'accepter ou non un contrat et nous décidons de nos salaires en fonction des dépenses et des recettes prévues.

Victor Mujica : Quand Indorca était une entreprise privée, on attendait de nous que nous soyons à nos postes huit heures par jour et que nous travaillions avec des œillères. Lorsque l'article 149 a finalement été appliqué, nous avons eu beaucoup à apprendre. Parmi celleux qui sont resté·e·s à Indorca, la·le travailleur·euse la·le plus qualifié·e avait un diplôme d'études secondaires, mais cela ne nous a pas empêché·e·s de gérer l'entreprise !

Nous avons dû apprendre la comptabilité (que nous faisions dans un cahier !), et nous avons dû apprendre à faire l'analyse des coûts : combien d'heures de travail étaient nécessaires pour fabriquer un produit, quels intrants étaient requis, etc.

Jesús Varela : Le nouvel Indorca est entre nos mains. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Nous ne faisons pas que produire, nous contrôlons aussi le processus de production. Avant, en tant que travailleur·euse·s, nous étions des actifs jetables. Maintenant, nous ne faisons pas que produire de la valeur, nous comprenons aussi le cycle de production. Nous sommes nos propres patron·ne·s... et ça fonctionne !

Bien sûr, cela ne signifie pas que tout a été facile une fois que l'article 149 est entré en jeu. Apprendre les tenants et les aboutissants du processus de gestion ne se fait pas du jour au lendemain.

Eliezer Perdomo : Ici, nous prenons toutes les décisions collectivement : tout, du salaire mensuel à la somme destinée à l'entretien de l'autobus d'Indorca, en passant par le montant des liquidités à conserver à la banque.

Pour moi, l'aspect le plus important de l'autogestion est que nous ne sommes pas dirigé·e·s et que nous sommes capables de résoudre nos propres problèmes. Il n'y a pas d'exploitation ou d'oppression sur le lieu de travail. Je me sens libre ici. Cela ne s'est jamais produit auparavant, lorsque Indorca était aux mains du secteur privé. Tout cela rend mon travail beaucoup plus agréable !

Yaneth Carreño : Une entreprise démocratique et autogérée n'est pas une chose courante dans le capitalisme, car elle met la·le travailleur·euse à la barre.

Je suis arrivée à Indorca il y a six ans dans le cadre d'un contrat temporaire. Je venais de prendre ma retraite après une longue carrière dans l'administration publique et j'allais aider à mettre de l'ordre ici. Lorsque je suis arrivée, je me suis assise devant les livres où l'on tenait le compte des dépenses et des ressources disponibles. J'ai pu constater que les travailleur·euse·s étaient très méticuleux·se·s, mais qu'iels avaient besoin d'outils comptables pour mettre de l'ordre dans leurs affaires.

Petit à petit, je me suis attachée à Indorca. La solidarité, la volonté constante d'apprendre, les processus démocratiques, tout cela était nouveau pour moi. Mais j'ai appris quelque chose d'encore plus important : ce sont les travailleur·euse·s qui produisent de la valeur, ce sont elleux qui produisent les biens dont le Venezuela a besoin !

Dans notre société, la·le travailleur·euse d'usine est invisible. Le patron, le gestionnaire ou l'ingénieur peut certes passer huit heures dans un bureau, et il peut même être fatigué à la fin de la journée. Mais qu'est-ce que cela représente par rapport à l'opérateur·rice de machine qui est exposé·e à une forte chaleur et à un épuisement intellectuel et physique ? Qui d'autre que la·le travailleur·euse pense à des alternatives viables maintenant que le blocus rend impossible l'obtention de certaines composantes et pièces ? Qui d'autre que la·le travailleur·euse se retrouve dans l'usine pendant de longues heures lorsqu'une commande doit être livrée ?

Il y a cette impression que les ouvrier·ère·s d'usine font un travail mécanique qui ne demande pas d'effort intellectuel. C'est faux ! Les travailleur·euse·s industriel·le·s doivent résoudre toutes sortes de problèmes, qu'ils soient mécaniques, chimiques ou opérationnels. En plus de cela, les travailleur·euse·s d'Indorca connaissent la comptabilité et la gestion collective.

J'ai travaillé pendant 25 ans dans l'administration publique et j'ai plus appris des travailleur·euse·s d'ici que de toute ma carrière antérieure. Mon travail ici est humble : je participe à l'administration de l'entreprise et j'aide à la comptabilité. Cela se résume à préparer soigneusement notre assemblée mensuelle où nous passons en revue la situation économique d'Indorca avec beaucoup de rigueur.

Cruz Gonzales : Le lancement de la nouvelle version d'Indorca a été une belle expérience. Même si les choses ne sont pas faciles en raison de la crise générale qui secoue le pays, travailler sans patron·ne est beaucoup plus agréable. Maintenant, nous avons tous·tes le sentiment d'être une pièce importante du puzzle. Nous travaillons dur, nous nous entraidons et nous prenons des décisions collectivement.

J'ai beaucoup appris ici, et je veux continuer à apprendre. J'ai appris le soudage, mais je comprends aussi davantage la comptabilité. Mais surtout, j'ai appris comment gérer une entreprise collectivement et sans patron.

Jesús Varela : Il est très courant de dire que les travailleur·euse·s ne peuvent pas diriger une usine. L'expérience d'Indorca démontre le contraire : non seulement nous sommes là depuis sept ans, mais alors que la plupart des entreprises publiques et privées ont fermé leurs portes à cause de la crise et de la pandémie, nos portes sont toujours ouvertes !

Orlando Pereira : En tant que travailleur·euse, comprendre ce qui se passe réellement dans l'entreprise est valorisant. Nous savons ce qu'il y a sur notre compte bancaire à tout moment. Nous connaissons le travail que nous avons à faire, et personne ne nous donne des ordres.

Cela ne veut pas dire que c'est un monde sans conflits. Nous avons des désaccords, parfois de gros désaccords. Cependant, le fait de disposer d'un espace pour débattre et trouver des solutions ensemble nous aide à faciliter le processus. Dans de nombreux cas, les débats peuvent conduire à trouver de meilleures solutions aux problèmes auxquels nous sommes confronté·e·s.

Gladys Rangel : L'égalité est une chose réelle ici à Indorca... Nous vivons réellement selon cette règle ! Lorsque j'ai été engagée il y a environ deux ans, j'ai été interviewée par José et Yaneth. La première chose qu'ils m'ont dite, c'est qu'Indorca n'est pas n'importe quelle entreprise, qu'il s'agit d'une usine gérée démocratiquement, autogérée, où tous·tes les travailleur·euse·s prennent des décisions ensemble lors de l'assemblée mensuelle, et que nous recevons tous·tes le même salaire. Ils m'ont également dit que je ne deviendrais pas riche, ce qui est vrai [rires].

Depuis lors, Indorca est devenue ma deuxième maison : J'y ai élevé mon bébé et j'ai appris des travailleur·euse·s. Ici, j'ai découvert comment la classe ouvrière peut gérer une usine - même si le Venezuela est confronté à l'une des crises les plus graves de son histoire !

Relancer Indorca

José Cedeño : Lorsqu'il est devenu évident que nous, les travailleur·euse·s, allions pouvoir prendre le contrôle de l'usine, le propriétaire a envoyé ses casseurs et ils ont pris 80% des câbles à haute puissance qui alimentaient les machines. Ils ont également pris des outils, des climatiseurs, des uniformes, des outils de mesure et du matériel de soudure. En plus de cela, ils ont cassé les fenêtres et détruit tout ce qu'ils pouvaient.

Cela a été très pénible pour nous !

La même chose s'est produite à Calderys et Equipetrol, deux usines qui sont passées par le même processus. Nous nous sommes réuni·e·s avec elleux pour évaluer la situation et nous avons dit : Nous n'avons pas d'argent, mais ensemble nous avons beaucoup de connaissances acquises. Relançons les trois usines ensemble !

Ce dont Indorca avait besoin et qu'Equipetrol avait, iels l'ont partagé avec nous. Ce dont Calderys avait besoin et que nous avions, nous l'avons partagé avec elleux. Nous avons aussi reçu l'aide des ouvrier·ère·s d'Alcasa, Venalum et Sidor.

Notre principal goulet d'étranglement était la réactivation de la machinerie lourde. Pour ce faire, Calderys a pu nous aider à obtenir 500 mètres de câble. Voilà comment, en une semaine, nous avons pu réactiver Indorca : beaucoup de travail, beaucoup de solidarité... et bien sûr, de nombreuses années d'expérience mises à profit !

Cira Pascual Marquina est professeur de sciences politiques à l`Université Bolivarienne du Venezuela à Caracas et écrivain et rédacteur pour Venezuelanalysis.com, partenaire de PI Wire. 

Chris Gilbert enseigne l'économie politique marxiste à l`Université Bolivarienne du Venezuela. Son prochain livre, Commune or Nothing ! Venezuela's Communal Movement and Its Socialist Project, sera publié par Monthly Review Press en 2023.

Photo : Voces Urgentes

Available in
EnglishFrench
Authors
Cira Pascual Marquina and Chris Gilbert
Translators
Valérie L'Heureux and Antoine Gaboriau
Date
28.02.2023
Source
Original article🔗
TravailVenezuela
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