Bulletin IP | N° 11 | Le flot de la liberté en Haïti ne peut être endigué à jamais

Les Haïtien·nes ne se laissent pas abattre alors que l'impérialisme cherche à intervenir à nouveau.
Dans le 11e Bulletin de l'Internationale Progressiste de 2024, nous vous apportons des nouvelles d'Haïti et des analyses pour les comprendre. Si vous souhaitez recevoir notre Bulletin dans votre boîte de réception, vous pouvez vous inscrire en utilisant le formulaire au bas de cette page.
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Vous avez peut-être entendu parler d’Haïti dans les journaux. Les services publics se sont effondrés. La capitale est envahie par les gangs. Des centaines de milliers de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays. Le Premier ministre Ariel Henry a été empêché de rentrer dans le pays alors que des hommes armés menaçaient d'envahir l'aéroport international. Il a ensuite démissionné. Les États-Unis tentent de mettre sur pied une force d'intervention militaire.

Mais les questions clés sont rarement posées dans la plupart des analyses de la crise : Que veut le peuple haïtien ? Comment s'organise-t-il ? Et pourquoi est-il confronté à une telle crise ?

Ce récit plat des événements fait du peuple haïtien, mais aussi du public qui reçoit l’information, des observateur·ices passif·ves ou, pire, des complices actif·ves. Il conduit à pleurer l'inévitabilité de la violence ou à exiger une intervention parce qu'il faut faire quelque chose. Dans un cas comme dans l'autre, le récit garantit qu'il n'y aura pas grand-chose pour empêcher une nouvelle intervention militaire soutenue par les États-Unis dans cet État des Caraïbes.

Mais si nous racontions toute l'histoire et répondions à ces questions clés, l'apathie se transformerait en colère et l'acquiescement en antipathie.

La crise haïtienne est bien réelle. Les services de base sont paralysés, les demandes de changement sont accueillies par des matraques et des coups de feu, et la mort et les déplacements de population sont horriblement quotidiens. Mais il s'agit d'une crise externe, pas d'une crise interne. Le peuple haïtien n'est pas le seul à être incapable de s'autogouverner. Il a subi plus de deux siècles d'efforts impériaux intenses visant à briser son autonomie et à saper sa souveraineté.

En 1791, le peuple haïtien, composé essentiellement d'esclaves venu·es de toute l'Afrique pour produire du sucre pour les papilles européennes et des richesses pour l'Empire français, s'est soulevé, s'est libéré et a mené une révolution qui a ébranlé le monde. Le jour de l'an 1804, il a formé la première république noire du monde.

Au cours des deux siècles qui ont suivi, la révolution haïtienne a été brutalement punie : par des sanctions, des invasions, des occupations et des changements de régime répétés aux mains des puissances occidentales. Pendant 122 ans, au canon d'un fusil, Haïti a payé à la France les dettes de sa libération. En 1915, les États-Unis ont envahi Haïti et l'ont occupé pendant 19 ans, l'occupation la plus longue de l'histoire des États-Unis jusqu'à l'Afghanistan. Les États-Unis ont laissé dans leur sillage une élite locale quiescente et une série de régimes fantoches violents qui servaient les intérêts des monopoles américains.

Mais la révolution haïtienne est allée de l'avant. Dans les années 1980, elle a trouvé son expression dans le mouvement social de masse Lavalas qui a conduit au pouvoir le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide et son parti Fanmi Lavalas. Pendant plus de trente-cinq ans, l'histoire de la politique haïtienne a vu le pouvoir du mouvement Lavalas faire face aux tentatives incessantes de l'élite nationale et des militaires étranger·ères pour le détruire.

En tant que président, Aristide a exigé des réparations coloniales de la part de la France et a mis en œuvre des réformes qui ont permis d'améliorer les conditions de vie du peuple haïtien. Pour cela, il sera renversé deux fois : en 1991 et, la seconde fois sous le drapeau des Nations unies, en 2004, lorsque la Task Force 2 du Canada prend le contrôle de l'aéroport international Toussaint Louverture tandis que les Marines américain·es kidnappent Aristide et l'emmènent en République centrafricaine. Là encore, les dirigeant·es nord-américains et leurs sténographes ont cherché à justifier leurs actions par des raisons humanitaires. Mais un câble de WikiLeaks publié en 2008 a révélé la véritable motivation de l'interventionnisme américain en Haïti : empêcher la résurgence de « forces politiques populistes et anti-économie de marché ».

Dans le sillage de ce coup d'État, les institutions de l'État haïtien ont été systématiquement démantelées. Des ONG financées par l'étranger ont pris leur place, fournissant à un moment donné 80 % de tous les services publics, tout en entretenant et en profitant de la misère qu'elles promettaient de combattre.

En 2009, le parlement haïtien a tenté d'augmenter le salaire minimum à 5 $ par jour. Les États-Unis sont intervenus au nom des intérêts d'entreprises telles que Fruit of the Loom, Hanes et Levi's, bloquant le projet de loi. Un fonctionnaire de l'ambassade américaine a déclaré que l'augmentation du salaire était une mesure irréaliste visant à apaiser « les masses au chômage et sous-payées ».

Haïti est sans président depuis juillet 2021, date à laquelle Jovenel Moïse a été assassiné par un groupe de mercenaires colombiens. Ariel Henry a alors été installé au poste de premier ministre sur ordre des États-Unis. Depuis, il n'a pas réussi à organiser des élections, à rétablir l'ordre ou à fournir des services de base.

Pour soutenir ce gouvernement impopulaire et illégitime, les États-Unis ont cherché à créer et à financer, mais pas à diriger officiellement, une force d'intervention étrangère. Le Kenya a été choisi - et son président, William Ruto, a accepté de diriger la force.

L'insécurité dans les rues de Port-Au-Prince deviendrait l'excuse d'Henry, Ruto et Biden. Mais ces gangs ne viennent pas de nulle part. Ils sont en grande partie constitués d'ancien·nes, et parfois d'actuel·les, membres de la police et de l'armée. Certain·es travaillent pour des sections de l'élite politique et économique haïtienne. Leurs armes proviennent entièrement de l'étranger, en particulier des États-Unis et de la République dominicaine voisine. Les États-Unis - ce qui est surprenant pour un pays qui prétend se préoccuper de la sécurité d'Haïti - continuent de rejeter les appels à un embargo sur les armes.

Henry est parti, finalement chassé du poste qu'il occupait sans aucun mandat démocratique. Mais le plan impérial américain pour Haïti demeure : construire un leadership local pour accueillir une nouvelle intervention étrangère. La participation du Kenya à cette force a été retardée par les événements récents, mais la volonté demeure.

Les États-Unis ont toujours l'intention d'envoyer des Africain·es massacrer des Afro-descendant·es à 12 000 kilomètres de là - pour un petit prix à payer au président kenyan. La Haute Cour du Kenya a déjà déclaré l'intervention inconstitutionnelle, mais le gouvernement est déterminé à poursuivre son programme.

Le déploiement de forces de police kenyanes dans le cadre de cette mission en Haïti serait un affront à l'esprit du panafricanisme. Il reflète la dépendance des États-Unis à l'égard d'États clients et de mandataires pour exécuter leurs ordres. Et elle menace d'exacerber les conditions de vie déjà désastreuses de millions d'Haïtien·nes.

La seule chose qui puisse arrêter ce cycle d'interventions violentes et inconsidérées est un mouvement international massif, combinant les forces politiques de la base au niveau mondial.

Comme à Cuba, qui est asphyxiée pour avoir osé tracer sa propre voie, et en Palestine, où les bombes, les balles et la faim cherchent à anéantir l'espoir même de l'autodétermination, Haïti représente un terrain clé dans la guerre de l'impérialisme contre l'humanité. Chacune de ses défaites est la nôtre. C'est pourquoi l'Internationale Progressiste s'engage en faveur de la souveraineté et de la libération totale d'Haïti.

Rejoignez-nous pour nous opposer à une nouvelle intervention étrangère. Le flot de liberté d'Haïti ne peut pas être endigué pour toujours.

Dernières nouvelles du mouvement

Congrès du 50e anniversaire du Nouvel ordre économique international

Lundi, l'Internationale Progressiste a annoncé la tenue prochaine du Congrès du 50e anniversaire du Nouvel ordre économique international à La Havane, Cuba, du 27 avril au 1er mai. Le congrès réunira des délégué·es du monde entier au Capitole national de La Havane afin de garantir la paix par un développement souverain au 21e siècle. Pour en savoir plus et vous abonner aux dernières nouvelles, cliquez ici.

Les syndicats affrontent Amazon

Jeudi, les syndicats et la société civile ont appelé à une interdiction complète, transparente et efficace du lobbying d'Amazon au Parlement européen. Cela impliquerait d'étendre l'interdiction actuelle des 14 lobbyistes accrédité·es d'Amazon aux « organisations qui cherchent à influencer les processus de prise de décision au nom d'Amazon ».

Cette nouvelle intervient alors que les travailleur·euses de l'entrepôt de Coventry, en Angleterre, ont annoncé une nouvelle vague de journées de grève pour faire payer Amazon. Par ailleurs, le principal syndicat luxembourgeois, l'OGBL, a remporté 23 % des voix des employé·es d'Amazon Luxembourg lors des élections sociales qui se sont tenues cette semaine. C'est la première fois que le syndicat présente des candidat·es dans l'entreprise. Avec environ 4 500 employé·es, Amazon est le deuxième employeur privé du Luxembourg. L'OGBL dispose désormais de cinq sièges au sein de la délégation du personnel, qui compte 22 personnes.

L'estampe de J.L. Boquet intitulée Passage of the Eleven Days of Looting of the City of Cape Town (Passage des onze jours de pillage de la ville du Cap) documente les événements clés de la révolution haïtienne qui a abouti à la première proclamation d'émancipation du monde atlantique.

Composée de trois estampes - aujourd'hui conservées dans des archives du monde entier - la première estampe montre l'incendie des plantations dans la plaine du nord de la colonie en 1791, tandis que les deux autres illustrent l'incendie et le pillage du Cap Français en 1793. Bien que ces estampes portent un regard eurocentrique, elles n'en reflètent pas moins le renversement complet de la société esclavagiste de Saint-Domingue, qui devint peu après la République d'Haïti.

Available in
EnglishGermanSpanishFrenchPortuguese (Brazil)
Translator
Laura Schiavetta
Date
15.03.2024
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