Une de mes amies à Bronzefield m’a dit un jour, alors que nous marchions péniblement dans la cour, que sa pire crainte était que les gardiens lui retirent la possibilité de se suicider. Se voir dépossédée de cet ultime acte d’autonomie était pour elle la forme la plus torturante de privation qu’elle pouvaitt imaginer. J’y ai souvent pensé, notamment à la suite du génocide à Gaza et d’un récent suicide à la prison de Low Newton le 13 février 2025. Au moment où j’écris ces lignes, je suis en prison depuis 308 jours, en détention provisoire avec 17 autres personnes, connues elles et moi, comme les Filton 181. Nous sommes accusées d’avoir participé à une action directe visant à perturber une usine d’Elbit Systems à Filton (près de Bristol) qui produit des armes, notamment des drones utilisés en ce moment même pour perpétrer un génocide à Gaza. Nous avons été arrêtées et détenues en vertu de la loi sur le terrorisme, bien que nous soyons accusées d’infractions ne relevant pas du terrorisme. Je suis actuellement emprisonnée à Low Newton, mais j’ai aussi séjourné dans les prisons de Bronzefield et de Polmont. En regardant depuis ma cellule les reportages sur le génocide diffusés par les chaînes progressistes, j’ai passé beaucoup de temps à réfléchir à l’assujettissement et à la résistance des Palestinien·ne·s, et aux parallèles avec le contrôle des personnes incarcérées au Royaume-Uni.
Le personnel a fait de son mieux pour empêcher la propagation de la nouvelle au sein de Low Newton mais, inévitablement, tout le monde était au courant du suicide en 20 minutes. Nous savons toutes ce qu’un « code bleu » signifie et, lorsque celui-ci est suivi d’un confinement de toute la prison, cela ne peut vouloir dire qu’une chose. Il y avait donc quelque chose de suspect dans l’initiative attentionnée d’annoncer officiellement le décès aux prisonnières le lendemain matin. Une femme que nous n’avions jamais vue auparavant, vêtue d’un chemisier en satin de couleur or rose et de talons vernis impeccables, nous a informées du « triste décès » et nous a invitées à parler au personnel si nous en ressentions le besoin. Une fois ces préliminaires sommaires expédiés, elle en est venue à l’objectif principal de son discours : le contrôle de l’information. Nous avons été mises en garde contre toute intention de propager des rumeurs et exhortées à ne pas spéculer sur la cause du décès. Les mots « choc » et « tragédie » ont été employés pour évoquer le décès, comme s’il s’agissait d’un accident exceptionnel, d’un événement sans précédent qui ne se reproduirait jamais. Comme si, me suis-je dit, nous n’étions pas piégées dans une usine de la mort présidée par des eugénistes à la coiffure tirée à quatre épingles et à l’air gentiment renfrogné.
Toutefois, si une détenue venait à prendre au mot la femme au chemisier de satin et à se confier à un agent, elle serait immédiatement placée sous ACCT. Je ne sais pas ce que signifie cet acronyme, bien que j’y aie été affectée moi-même à mon arrivée (malgré mes protestations véhémentes), mais tout le monde sait que ce n’est pas bon signe. On vous transfère dans une cellule nue (connue familièrement sous le nom de « cellule suicide »), on vous oblige parfois à vous déshabiller et à enfiler un « vêtement anti-suicide », et on vous soumet à un régime disciplinaire de contrôles toutes les demi-heures ou tous les quarts d’heure, tout au long de la nuit. Ces contrôles consistent en un œil qui apparaît au judas de la porte ou du mur, accompagné d’une lampe de poche éblouissante si votre propre lumière est éteinte, et de l’aboiement méchant de votre nom si vous ne donnez pas signe de vie en vous agitant. L’une de mes amies, incarcérée dans son enfance et aujourd’hui âgée d’une vingtaine d’années, a subi ce traitement pendant une année entière. Il va sans dire que l’objectif n’est pas d’apaiser les sentiments suicidaires, mais simplement d’empêcher qu’ils soient mis à exécution sous la surveillance de l’État.
Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans qu’un nouveau rapport d’inspection ne dénonce la « crise de santé mentale » au sein des prisons britanniques2 et les conditions épouvantables qui poussent tant de personnes à considérer la mort comme seule issue. Selon le médiateur pénitentiaire et des mises en libertés surveillées, un·e prisonnier·ère se donnait la mort tous les trois jours et demi en 2023, tandis qu’un essai paru dans Inside Timesoulignait qu’en 2024, plus de personnes sont mortes dans les prisons écossaises que victimes d’homicide dans toute l’Écosse. Mais notre appétit pour ces statistiques sensationnelles occulte les innombrables morts imminentes : les tentatives de suicide, les handicaps dus à une négligence médicale endémique3 et les effets invalidants de régimes inhumains qui voient un nombre croissant de prisonnier·ère·s enfermé·e·s dans des cellules minuscules pendant plus de 22 heures par jour4. L’histoire de mon amie Sandra5 est d’un ordinaire dérangeant. Agonisant depuis des semaines, elle a supplié qu’on la laisse voir un membre du personnel de santé pénitentiaire. Après des semaines d’attente, elle a finalement été vue et ses préoccupations ont été rejetées. Elle a perdu plus des deux tiers de son poids et pouvait à peine se traîner dans le couloir, obligée de s’appuyer sur le vieux déambulateur d’une autre détenue. Ce n’est qu’au retour d’une permission, lorsqu’un officier a été choqué de voir à quel point elle était devenue petite et frêle, que quelqu’un a appelé une ambulance. À son arrivée à l’hôpital, elle souffrait d’une défaillance multiviscérale et il était trop tard pour sauver une bonne partie de son intestin, qui a dû être enlevé et remplacé par une poche de stomie. Avec un poids de seulement 35 kilos, les médecins n’étaient pas sûrs que Sandra survive à l’opération. Une infirmière bienveillante a donc accepté de prévenir sa famille, que la prison n’avait pas informée, craignant une tentative d’évasion. Les enfants de Sandra sont venus à son chevet et ont pleuré, et son frère a fustigé le gardien pour la cruelle indignité de la chaîne autour de son poignet, qui semblait peser autant qu’elle. Le gardien, loin d’être ému, a retardé l’opération en refusant d’appliquer sans autorisation de la prison les consignes du médecin de détacher Sandra afin d’entrer dans la salle d’opération. Réconciliée avec la mort à 41 ans, Sandra a survécu. Si toutefois elle avait reçu des soins médicaux quelques mois plus tôt, elle n’aurait pas eu besoin d’une intervention chirurgicale aussi radicale et contraignante. Ma voisine, Katie6, est arrivée en prison sous codéine, prescrite par son médecin dix ans plus tôt pour gérer la douleur d’une lésion nerveuse dans sa colonne vertébrale à la suite d’une péridurale mal administrée. L’infirmière de la prison lui a dit qu’elle ne pourrait pas prendre de codéine et qu’elle devrait se contenter de paracétamol. Pour gérer le sevrage, on lui a prescrit de la méthadone, un médicament de substitution à l’héroïne. Dans deux mois, Katie quittera Low Newton avec une dépendance à la méthadone, sans n’avoir jamais pris d’héroïne de sa vie7.
Si ces exemples sont extrêmes quant à leurs conséquences, ils sont banals quant à leurs causes. Le personnel médical pénitentiaire, lorsqu’il nous est possible de le consulter, se méfie systématiquement des problèmes de santé dont nous faisons part, car il a été formé à voir tou·te·s les prisonnier·ère·s comme d’avides fainéant·e·s et accros à la drogue qui complotent8. Une maladie ou une automutilation nécessitant un séjour à l’hôpital est considérée par défaut comme une tentative d’évasion, d’où la réticence du gardien à détacher Sandra, alors même qu’elle était conduite en salle d’opération. (Une autre détenue se souvient de la fois où elle s’est rendue à l’hôpital et que le gardien enchaîné à elle s’est carrément montré sceptique face au médecin qui expliquait avec insistance qu’elle ne pourrait pas rester attachée lorsqu’elle entrerait dans l’appareil d’IRM. Une fois de plus, il a fallu demander l’autorisation par téléphone avant qu’elle puisse passer le scanner). Ce climat de négligence médicale et de méfiance constitue un environnement intrinsèquement délétère pour la santé. Outre le stress psychologique lié au fait d’être exilées de nos vies et entourées d’une hostilité hypervigilante, nous sommes mal nourries (les repas étant principalement composés de féculents bon marché et hautement transformés) et à moins d’avoir un travail actif, les occasions de faire de l’exercice sont rares. Il n’est pas étonnant que, selon l’Inside Time, un·e détenu·e sur cinq souffre de diabète de type 29. Il est difficile de trouver un sommeil décent, surtout pour celles d’entre nous mal à l’aise sur le fin tapis de plastique bleu posé sur une étagère rigide qui fait office de lit, ou dérangées par la lampe de poche qui transperce l’obscurité de nos cellules durant les rondes de nuit. C’est une nuit paisible quand ce sont les seuls obstacles au sommeil ; bien pires sont celles durant lesquelles le silence est brisé par les cris et les gémissements des détenues angoissées, ou par les bruits sourds et effrayants de quelqu’un qui se tape la tête contre le mur ou la porte. Au début, ces sons me faisaient une boule à la gorge. Maintenant, je visse un casque antibruit par-dessus mes bouchons d’oreille et je m’efforce de dormir sur le dos.
Une telle réalité ne peut pas être transposée en chiffres dans de gros titres accrocheurs, même si elle constitue une stratégie de mort à petit feu qui nous fait perdre des années d’espérance de vie, en plus des années de liberté que l’État nous vole. De façon similaire, lorsque les ravages du génocide palestinien perpétré par Israël sont abordés dans des analyses grand public, c’est le nombre de morts qui prime sur tout autre indicateur, donnant insidieusement la fausse impression que les blessé·e·s, les malades, les affamé·e·s, les traumatisé·e·s et les endeuillé·e·s vont s’en sortir. La politique des Forces d’occupation israéliennes (FOI), largement documentée, qui consiste à « tirer pour estropier » 10 plutôt que pour tuer, est souvent reprise à tort par le public occidental comme une preuve de l’engagement de l’armée en faveur de la préservation des vies. Toutefois, dans un contexte de privation de ressources stratégiques et d’annihilation ciblée des infrastructures, où la fourniture ou le refus de soins médicaux, de carburant, d’électricité, de nourriture et d’eau sont tous contrôlés par l’oppresseur israélien, la pratique soutenue et délibérée de la mutilation équivaut à une condamnation à une mort lente et atroce. Il est crucial de noter que ces décès à retardement ne sont pas attribués aux FOI. Cela réduit artificiellement le nombre de morts déjà suffisamment élevé pour créer un léger malaise chez les gouvernements occidentaux qui financent le génocide, lorsque ceux-ci invoquent la « légitime défense » d’Israël. Il s’agit d’une tactique conçue non seulement pour apaiser les démocraties occidentales, mais aussi pour refuser aux Palestinien·ne·s la dignité et l’honneur du martyre lorsque la mort devient leur seule option. En 2016, des rapports du BADIL Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights (Centre de ressources BADIL pour le droit à la résidence et le droit des réfugié·e·s palestinien·ne·s) ont documenté les campagnes de destruction des rotules dans les camps de réfugié·e·s de toute la Cisjordanie, détaillant les déclarations d’un commandant israélien qui a pleinement saisi (et s’est réjoui) de la signification de cette violation. Le capitaine Nidal a déclaré : « Je rendrai tou·te·s les jeunes de ce camp handicapé·e·s », tandis que la journaliste israélienne Amira Hass a rapporté pour Haaretz que Nidal « dit aux jeunes qu’il n’y aura pas de martyr·e·s dans le camp, mais que “vous finirez tou·te·s avec des béquilles” »11. Jasbir K. Puar, auteur de The Right to Maim (Le droit de mutiler), décrit cela comme « viser la mort, mais ne pas tuer »12 et observe que « c’est comme si le fait de refuser la mort […] devenait un acte de déshumanisation : les Palestinien·ne·s ne sont même pas assez humain·e·s pour mourir »13.
On constate souvent avec ironie que les États occidentaux qui financent majoritairement l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugié·e·s de Palestine dans le Proche-Orient) sont également ceux qui versent des milliards à Israël pour l’achat de munitions ensuite utilisées pour raser les écoles et les hôpitaux construits par l’UNRWA. Une autre hypocrisie insoluble est évidente dans la position du gouvernement britannique au sujet des prisons. Le rapport annuel du HMI Prisons (organe indépendant d’inspection des prisons d’Angleterre et du pays de Galles) pour 2023-2024 a établi que nous vivions une « période désespérée », en précisant que le suicide et l’automutilation avaient augmenté « de manière significative » dans les prisons pour hommes et avaient doublé dans certaines institutions. Au même moment, le taux d’automutilation parmi les personnes incarcérées dans les prisons pour femmes est neuf fois plus élevé que dans les prisons pour hommes. Et pourtant, à la fin de l’année 2024, le lord grand chancelier et secrétaire d’État à la justice, Shabana Mahmood, a annoncé le plan gouvernemental de dix milliards de livres sterling visant à construire quatre nouvelles prisons dans les sept ans, créant ainsi 6 400 places supplémentaires pour accueillir la population carcérale en constante augmentation au Royaume-Uni. La contradiction n’est peut-être pas évidente ici ; après tout, est-ce qu’avoir plus de prisons ne réduirait pas les tensions causées par la surpopulation ? Et est-ce que l’afflux d’argent ne pourrait pas être utilisé pour réinsérer et accompagner les prisonnier·ère·s ? Je conseillerais à toute personne encline à un tel optimisme de noter l’absence flagrante de toute mention de changements culturels dans l’annonce de Mahmood. L’accent est mis uniquement sur l’expansion physique, sans que personne ne semble se préoccuper de la vraie question : pourquoi le nombre de prisonnier·ère·s est-il en constante augmentation ? Bien entendu, poser une telle question reviendrait à reconnaître que les « criminel·le·s » sont une population fabriquée par la société et, à partir de là, il est périlleux d’éviter de conclure qu’en fait, tous les préjugés que nous aimons nous féliciter d’avoir surmontés en tant que société existent encore et prospèrent, regroupés dans la rubrique « criminalité ». La vérité toute nue est que plus il y a aura de prisons, plus il y aura de prisonnier·ère·s mort·e·s ou handicapé·e·s. Et comment pourrait-il en être autrement ? Toute tentative de s’attaquer aux causes profondes du désespoir d’un·e prisonnier·ère conduirait nécessairement à supprimer les prisons. Et tou·te·s ces gardien·ne·s se retrouveraient alors au chômage. Nous n’avons pas la peine de mort dans ce pays. Ce que nous avons en revanche, c’est un parc pénitentiaire en expansion constante et de plus en plus oppressif, ainsi qu’un appareil étatique de surveillance, de contrôle et de discipline qui prolifère rapidement. La mort et l’invalidité n’en sont peut-être pas l’intention explicite, mais elles en sont indéniablement le résultat.
Dans la propagande d’État israélienne et britannique, la rhétorique hypocrite de l’intention se voit accorder un poids important dans l’évaluation des résultats. Chaque article ou rapport révélant l’étendue des défaillances en prison déborde de fausse compassion, de condoléances forcées pour les familles des victimes et de l’assurance que toutes les personnes impliquées font leur maximum pour garantir que le contraire de ce qui se produit se produise. Peu importe si les détenus sont des récidivistes14 (vu que l’incarcération ne fait pas baisser la récidive15), puisque c’est l’intention de réduire la récidive qui compte. Et oui, l’ancien inspecteur en chef des prisons Peter Clarke a déclaré que le taux de suicide et d’automutilation dans les prisons britanniques était « un scandale »16, mais ce qu’il faut comprendre, c’est que tout le personnel pénitentiaire s’engage à respecter et à prendre soin des détenu·e·s, à nous aider à libérer notre potentiel et à abandonner nos habitudes criminelles néfastes. De la même manière, il faut vraiment arrêter de ressasser qu’après une année entière de génocide, près de 70 pour cent des victimes d’Israël étaient des femmes et des enfants, car, si vous observiez les deux côtés, vous sauriez qu’Israël n’a « aucune volonté de nuire à la population », comme l’a déclaré Netanyahu lors d’une conférence de presse en décembre 2023. Le principe de Stafford Beer, selon lequel « le but d’un système, c’est ce qu’il fait », constitue une heuristique utile pour dépasser ce fossé entre le discours et la réalité. Il est inutile d’insister sur une prétendue intention qui est constamment en contradiction avec le résultat. Si Israël avait vraiment l’intention de ne pas tuer les civils, les FOI pourraient s’abstenir de bombarder les écoles, les hôpitaux et les camps de réfugié·e·s densément peuplés. Si le gouvernement britannique tenait sincèrement à réduire la surpopulation carcérale, il pourrait arrêter de réincarcérer des personnes pour des manquements aussi anodins que dix minutes de retard à un pointage de probation, comme ce fut le cas pour une autre amie que j’ai rencontrée à la prison de Bronzefield.
En prison, comme en Palestine occupée, le spectre de la mort est une constante, qu’elle soit soudaine ou lente, recherchée ou combattue. Mais si infliger la mort est un outil incisif et efficace de contrôle biopolitique (faire disparaître les populations indésirables), dénier la mort l’est tout autant. En ciblant spécifiquement les enfants pour les mutiler, les FOI gagnent en même temps des points d’humanitarisme auprès des démocraties occidentales volontairement crédules, et mettent hors d’état de nuire toute résistance future. Il s’agit d’une technique de contre-insurrection calculée qui anticipe la prédiction d’Elon Musk selon laquelle les orphelin·e·s de martyr·e·s, traumatisé·e·s et endeuillé·e·s, ont toutes les chances de rejoindre plus tard le Hamas17. Cette observation a été perçue par certain·e·s comme un rare moment de perspicacité de la part de Musk, mais elle trahit en fait l’incompréhension des gens face à l’ampleur profonde de la débilitation des enfants palestiniens. Néanmoins, Musk a mis le doigt sur une vérité importante : la mort est galvanisante. Les noms de Palestinien·ne·s mort·e·s ne sont-ils pas plus connus des Occidentaux que ceux des Palestinien·ne·s en vie ? Combien parmi ces Occidentaux trouvent les Palestinien·ne·s plus convaincant·e·s et plus acceptables en tant que victimes lorsqu’elle·il·s sont massacré·e·s que quand elle·il·s résistent ? La mort a le pouvoir de réveiller les consciences, d’encenser, de politiser et d’inciter à l’action et c’est ce qui oblige le Royaume-Uni et Israël à refuser consciemment cette mort à leurs populations excédentaires respectives. Les deux États maintiennent ces populations dans des conditions d’immisération et de désespoir total, de sorte qu’elles sont trop faibles pour riposter, tout en leur refusant une mort qui sublimerait leur lutte18. Le but ici est de ne pas avoir plus de martyr·e·s, plus de suicides en prison. Je ne veux même plus que l’on soit obligé·e·s de consacrer davantage de vies à la lutte révolutionnaire. Ce que je veux, c’est que nous nous demandions : pourquoi attendre l’arrivée de la mort pour impulser notre résistance ? Personne d’autre que nous, le peuple, ne peut déterminer le seuil de notre tolérance à l’injustice. On n’aurait jamais dû en arriver au génocide ni à l’incarcération de masse. Cependant, le corollaire heureux du fait que tant de similitudes existent entre les conditions d’emprisonnement et d’occupation sous Israël est que les mêmes stratégies de résistance peuvent être appliquées aux deux luttes. En aidant à libérer la Palestine, nous ne pouvons que remettre en question les logiques fallacieuses qui sous-tendent le consensus selon lequel la prison est une solution viable aux problèmes de société. De même, en nous battant pour la suppression des prisons, nous nous engageons à lutter pour un monde dans lequel personne ne peut priver un autre être de sa liberté.
Références
1 Pour en savoir plus sur les Filton 18 et soutenir leur campagne pour la liberté, veuillez suivre @freethefilton18 surInstagram et Twitter.
2 « Mental Health Failings at Gartree and Lewes Found After Inmate’s Death », Converse, août 2024, p. 7 ; « Prisoners are Poorly », Inside Time, mai 2024, p. 11 ; « IMB Watch » : Forest Bank, Drake Hall, Guys Marsh, Inside Time, mai 2025, p. 15; « Lives at Risk over Inaction on Prisons, says Report », Converse, août 2024, p. 23 ; « Teenager Kills Himself at Scottish Young Offender Institution », Converse, août 2024, p. 33 ; « IMB: Leicester Prison Under Pressure », Converse, août 2024, p. 35 ; « HMP Liverpool is a cluster death site… completely inhumane », « IMB Report Published: HMP Liverpool », Converse, octobre 2024, p. 16 ; « HMP Ryehill: Self-Harm Cases Up 40% », Converse, octobre 2024, p. 33 ; « Rochester Prison: Urgent Notification », Converse, octobre 2024, p. 38 ; « H M P Durham—Risk Assessment Concerns Raised Again After Cell Suicide », Converse, janvier 2025, p. 39.
3 « You Can’t Visit Him Today, He’s Dead », Inside Time, mai 2024, p. 15 ; « We’ve Lost Your False Leg », Inside Time, octobre 2024, p. 11 ; « The Mount: Third Critical Death Report in Three Months », Converse, octobre 2024, p. 10 ; « Woman Told Officers She Felt Suicidal » Inside Time, novembre 2024, p. 14 ; « Naked Barking Man Wasn’t Treated », Inside Time, février 2025, p. 14 ; « A Deadly Diagnosis: If You Have Cancer in Prison, You’re More Likely to Die From It », Inside Time, février 2025, p. 16 ; « No Help for Self-Harmers », Inside Time, mai 2024, p. 2 ; « Not a Place for Disabled Prisoners », Inside Time, mai 2024, p. 4 ; « Hopeless Healthcare », Inside Time, mai 2024, p. 9.
4 « Endless Bang-up », Inside Time, novembre 2024, p. 26 ; « The Figures Say It All », Inside Time, novembre 2024, p. 26.
5 Son nom a été remplacé.
6 Autre pseudonyme.
7 Aussi horrifiant que ce soit, cela semble être une pratique courante. Un prisonnier du pénitencier de Parc révèle que « les soins de santé sont un véritable fiasco : ils confisquent aux gens leurs analgésiques et leur prescrivent de la méthadone » ; « No Structure Here », Inside Time, novembre 2024, p. 6.
8 L’infirmière a commis une « erreur de jugement », ayant « cru à tort qu’il avait pris des médicaments » ; « Prisoner Died After Nurse Called Off Ambulance », Inside Time, février 2025, p. 15.
9 « One in five prisoners has type 2 diabetes », Inside Time, 31 décembre 2024, https://insidetime.org/newsround/one-in-five-prisoners-has-type-2-diabetes/#:~:text=The%20data%2C%20released%20to%20The%20Times%20following%20a,sugar%20in%20the%20blood%20to%20become%20too%20high. Consulté le 11/05/2025.
10 « Des unités israéliennes spécialement entraînées, donc, tirent de manière calculée afin de paralyser, tout en maintenant bas les statistiques des Palestinien·ne·s tué·e·s » ; Tanya Reinhart, Israel/Palestine : How to End the War of 1948, p. 114. Puar, citant Reinhart (p. 113) : « En 2002, la linguiste israélienne Tanya Reinhart a analysé la “politique des blessures” pendant la seconde Intifada… Citant des interviews de soldats de l’Armée de défense d’Israël tirées du Jerusalem Post, elle choisit un extrait caractéristique du tireur d’élite israélien, le sergent Raz… qui proclame : “J’ai tiré sur deux personnes… au niveau des genoux. C’est censé leur briser les os et les neutraliser, mais pas les tuer” » Jasbir K. Puar, The Right to Maim, p. 131. « Une délégation des Médecins pour les droits humains a conclu que “les soldats israéliens semblaient viser délibérément la tête et les jambes des manifestant·e·s palestinien·ne·s, même dans des situations où leur vie n’était pas menacée”. », Ephron, Boston Globe, 4 novembre 2000, cité dans Jasbir K. Puar, The Right to Maim (Caroline du Nord, États-Unis : Duke University Press, 2017), p. 131. « Au cours de la seconde Intifada, des rapports ont indiqué que l’Armée de défense d’Israël utilisait des balles à fragmentation “à haute vitesse” qui créaient un effet de “tempête de neige de plomb” dans le corps — dispersant la balle dans tout le corps et créant de multiples blessures internes… les balles dum-dum, qui sont interdites par le droit international relatif aux droits humains, sont difficiles à extraire une fois qu’elles ont pénétré dans le corps et explosé vers l’extérieur, et garantissent généralement que les personnes touchées “souffriront à vie” », Puar, The Right to Maim, p. 131.
11 Puar, The Right to Maim, p. 221.
12 Puar, The Right to Maim, p. 139.
13 Puar, The Right to Maim, p. 141.
14 Peter Cuthbertson, « Who goes to prison? An overview of the prison population of England and Wales », Civitas, décembre 2017, p. 2 https://www.civitas.org.uk/content/files/whogoestoprison.pdf.
15 « Abolition of short custodial sentences », The Suntory and Toyota International Centres for Economics and Related Disciplines, https://sticerd.lse.ac.uk/case/new/research/Inequalitiesand_Poverty/policy-toolkit/crime-short-custodial-sentences.asp. Consulté le 11/05/2025.
16 Jamie Greierson, « Prison suicide rate is a scandal, says HM chief inspector », The Guardian, 9 juillet 2019, https://www.theguardian.com/society/2019/jul/09/jails-slow-react-deluge-of-drugs-hm-chief-inspector. Consulté le 11/05/2025.
17 Elon Musk, cité dans « Elon Musk: War, AI, Aliens, Politics, Physics, Video Games, and Humanity | Lex Fridman Podcast », Lex Fridman, 9 novembre 2023, https://www.youtube.com/watch?v=JN3KPFbWCy8. Consulté le 11/05/2025.
18 Pour un témoignage poignant sur la croyance en la capacité de la mort à catalyser le changement, voir « Prisoner Hoped Suicide Would Change IPP Policy », Inside Time, octobre 2024, p. 12.